Projet de construction d’une mosquée à Orléansville

Délibération n° 336- projet de construction d'une
Mosquée à Orléansville (parue dans le journal le Chéliff)

Séance 14 août 1872

Monsieur le Maire donne lecture au conseil d'une lettre de Monsieur le Préfet en date du 11 juin dernier n° 4050 par laquelle ce haut fonctionnaire en retournant la demande qui lui a été adressée par les conseillers municipaux indigènes Ahmed ben Zian et Moktar ben Larbi le 11 mai dernier, afin d'obtenir de l'administration supérieure une subvention pour la construction d'une mosquée à Orléansville, demande l'avis du Conseil municipal sur son opportunité et qu'il lui soit présenté un projet régulier.

Le Conseil après une discussion approfondie sur toutes les questions qui lui sont soumises par la lettre préfectorale, considérant :

1° Que toute l'étendue du cercle d'Orléansville qui possède une population d'indigènes qui peut être évaluée à environ 60.000 habitants, il n'existe aucune mosquée pour la pratique de leur culte.

2° Que les prescriptions du Coran étant religieusement acceptées par la plus grande partie des indigènes, ils verraient avec plaisir la preuve que l'administration entend favoriser et non entraver leurs pratiques religieuses.

3° Que faisant droit à la demande des pétitionnaires, l'administration supérieure ne fera que se conformer aux promesses qu'elle à faites aux indigènes plusieurs fois ; en conséquence il serait à nos yeux, aussi politique que juste, qu'il fait donné satisfaction à la demande de Hamed ben Bouzian et Moktar bel Larbi qui ne sont dans cette circonstance que les véritables interprètes de leurs coreligionnaires indépendamment des chefs principaux du Cercle d'Orléansville ; et notamment du Caïd Si Henni, grand marabout, qui verraient avec satisfaction ce projet réalisé.

4° Que la dépense nécessaire à la construction de la mosquée projetée, sera couverte par les intéressés sans autre sacrifice pour la Commune, que celui d'un abandon d'un lot de terrain d'une surface de 15ares pouvant être évalués à la somme de 3.000 francs environ ; et pour le budget départemental ou de l'Etat la dépense à prévoir devra être à peu près égale.

Vu le projet dressé par le citoyen Gerbat sur la demande du Conseil et des sieurs Ahmed et Moktar dont la dépense s'élève à la somme de cinquante trois mille francs ; Le Conseil est d'avis à l'unanimité ;

1° d'appuyer auprès de Monsieur le Préfet, la demande des sieurs Ahmed bou Zian et Moktar bel Larbi agissant au nom de leurs coreligionnaires ; le bien fondé de cette demande ayant été parfaitement compris.

2° d'accepter dans toute sa teneur le projet présenté par le Citoyen Gerbat, qui est le résultat d'études sérieuses

3° De faire ………. Au profit des indigènes, de la moitie du lot portant le n° 152 du plan d'alignement et de lotissement de la ville, réservé pour l'installation de magasins devant servir au matériel appartenant à la commune. Ce terrain se trouvant situé à côté du quartier habité par les indigènes de la ville et à proximité du marché arabe, parait au conseil l'emplacement la plus convenable pour la construction de la mosquée projetée.

4° Que le meilleur moyen pour trouver la somme qu'exigera la construction de cette mosquée s'étant d'avoir recours à l'impôt volontaire par charrue qui ne pèserait que sur la classe aisée des indigènes, et il y a environ 5.000 charrue dans le cercle d'Orléansville. En considérant qu'en imposant la charrue d'une somme de dix francs, laquelle somme serait payable en deux années, soit 5 francs par année, en trouverait par ce moyen environ 50.000 francs ; et l'administration ainsi que le fait remarquer Monsieur le Préfet n'aurait à fournir comme subvention, que la différence qui pouvait exister entre le montant des perceptions probables et celle de 53.000 francs montant de la dépense du projet Gerbat.

Que malgré la liberté en matière de religion rien ne prouve que l'ouverture d'une souscription volontaire ayant pour but d'obtenir la somme précitée plus haut, aboutirait à un résultat satisfaisant ; le Conseil appréciant aussi le fanatisme qui chez la plupart des arabes, est un culte plutôt voué, aux douros qu'aux ablutions et autres pratiques prescrites par le Prophète, reste d'avis pour l'impôt sur les charrues est le seul praticable et que sa perception en sera facile et peu coûteuse.

Le montant de l'impôt pourrait être perçu par le Receveur municipal d'Orléansville qui aurait a payer au fur et à mesure le montant des travaux exécutés moyennant la présentation de décomptes dressés par l'architecte voyer de la commune, chargé de la surveillance des travaux.

5° Les sieurs Ahmed bouzian et Moktar bel Larbi ayant demandé que le citoyen Gerbat, auteur du projet présenté, fût chargé de l'exécution des travaux de construction de la dite mosquée ; Le Conseil considérant que la somme nécessaire pour la dépense ne pouvant provenir des ressources budgétaires de la commune ; déclare qu'il n'a pas à s'immiscer dans cette question qui n'intéresse principalement que les pétitionnaires ; mais qu'il verrait avec la plus grande satisfaction , que la demande faite par ces Messieurs au conseil en faveur du citoyen Gerbat pour mener à bonne fin l'exécution des susdits travaux, fût prise en sérieuse considération par l'administration supérieure ; le citoyen Gerbat possédant la confiance des indigènes et les connaissances nécessaires pour y arriver.

La séance est levée à 10 heures ½

Fait et clos à Orléansville les jours mois et an que dessus