Le maire proteste contre une enquête...

Le maire proteste contre une enquête faite à son encontre par le Juge de Paix et par le Comité de défense

Le recueil du département d'Alger de 1871 n° 22O5 du 18 octobre 1872, publie la délibération n° 107 du Conseil municipal de la commune d'Orléansville, par laquelle le maire Camile Boudet, proteste contre les enquête diligentées à son encontre par le juge de paix et le Comité de défense.

Séance du 13 avril 1871

Le Président dit au Conseil, vous savez Messieurs que le juge de Paix se livre depuis plusieurs jours à une enquête sous prétexte que le Maire n'a pas le droit d'envoyer des indigènes au Bureau arabe ; Ces indigènes que vous connaissez aussi bien que moi, dont plusieurs sont repris de justice, ne vivent que de jeu et de rapine et quoiqu'on dise n'appartiennent pas au territoire civil, ils viennent en ville faire semblant de travailler ou de commercer, il y en a même un qui a établi une espèce de maison de prostitution qui infecte la ville ; mais leur domicile légale est au territoire militaire où ils ont leur gourbi et leurs familles.

En présence de la surexitation (sic) qui régnait de tous cotés dont nous n'avons malheureusement que trop d'exemples, j'ai cru devoir prendre des mesures énergiques pour assurer la sécurité de la population et vous l'avez tellement compris Messieurs, que vous m'avez hautement approuvé et que la presque totalité des propriétaires, commerçants, et notamment des indigènes notables, aghas, caïds, propriétaires et commerçants se sont joints a vous pour protester contre un article inséré dans les journaux par le Docteur Marcailhon et déclarer qu' Orléansville ne devait sa sécurité dont il avait joui jusqu'à ce jour, qu'aux mesures énergiques prises par le maire, fallait-il attendre pour prendre des mesures énergiques qu'il se produise des faits comme ceux qui se sont passés dans d'autres localités et notamment à Alger ? Fallait-il attendre de voir couler le sang pour purger la ville de ces vagabonds qui l'infectaient ? Vous m'auriez blâmé si j'avais attendu et vous auriez raison.

Vous s'avez aussi Messieurs que le Comité de défense fait de son côté une double enquête présidée par le fameux Docteur Marcailhon et fait circuler une liste dans laquelle ils ne disent rien moins que le Maire a infligé des amendes qu'ils gardées par devers lui, c'est sur ce point aussi que s'appuie le juge de Paix de concert avec le comité de défense dont il fait je crois partie ; mais dont dans tous les cas il a fait partie : car je l'ai vu et entendu discuter dans une de leur réunions, au sujet des élections du Président des membres du bureau, réunions qui avaient lieu dans la salle d'audience de la justice de Paix, dont le juge seul avait la clé.

Vous n'ignorez pas non plus, Messieurs les terribles conséquences qu'il peut résulter de ces enquêtes continuelles, le vol qui a eu lieu le 6 du courant en plein midi et dans la ville en est un commencement et moi qui connaît les arabes, qui ai vécu avec eux, qui connaît leurs mœurs et leur langue, je tremble depuis quelques jours pour la localité et je crains qu'il ne nous arrive ce qui est arrivé ailleurs, il y a environ un mois à Orléansville a failli être le théâtre d'une révolte comme celle d'Alger à cause d'une dispute entre des indigènes et des israéliens. Vous s'avez Messieurs que ma présence et mes paroles ont suffi pour calmer toutes ces têtes exaltées et bien ! si un fait pareil se présentait je ne sais pas si j'aurais assez d'influence pour les calmer une deuxième fois, à cause de des enquêtes du juge de Paix et du comité de défense qui font tout ce qu'ils peuvent et usent de tous les moyens que la haine et la jalousie peuvent leur suggérer pour détruire le prestige de l'autorité. Voila la situation qui nous est faite par des gens qui n'ont aucun intérêt dans le pays et qui d'un jour à l'autre peuvent être appelés ailleurs.

Vous Connaissez Messieurs, les motifs de haine du comité de défense qui a voulu dans le principe semer la désunion parmi la population et s'immisser (sic) dans les affaires communales et donner des ordres à la milice, grâce à votre énergie ça n'a été qu'un feu de paille qui a été vite éteint et dont le vent a dispersé toutes les cendres.

Furieux de voir qu'il n'a pu réussir à semer la discorde et a saisir les rênes de la commune qu'il convoite depuis longtemps, il a changé de système et cherche à faire tomber son venin sur le maire, parce qu'il sait qu'il rejaillira sur vous, Marcailhon, le bouc émissaire, auquel j'ai fait mille politesses lorsqu'il est arrivé ici, parce qu'il m'a été présenté par un homme très honorable et que j'estime : devrait se rappeler que c'est moi qui lui ai fait avoir la Société de Secours Mutuels, et que j'ai pesé d'un grand poids dans la balance pour lui faire donner la commune, il a oublié tout cela (le bien s'oublie si vite) et la rage qui le possède aujourd'hui en provient que d'une seule chose ; mais à laquelle il attache une importance énorme ? LA question d'argent. Si comme le Président de la Société de Secours Mutuels j'avais le laisser ruiner, la société ce qui n'aurait pas tardé d'arriver du train qu'il y allait, nous aurions toujours été les meilleurs amis du monde : mais lui enlever à ce brave et fraternel Docteur, une somme de 180 f environ par mois. C'est un crime impardonnable, j'ai évité une faillite à la société de Secours Mutuels au préjudice sieur Marcailhon. Je dois être pendu et cependant vous le savez Messieurs, c'est l'exacte vérité, aujourd'hui, vous, Conseil municipal vous lui avez retiré les 1200 f de la commune, rien ne peut l'arrêter dans sa vengeance parce que vous avez touché la seule corde sensible.

D'après ce qui m'a été rapporté, les arabes que l'on interroge accusent l'agent de police indigène Ahmed de se faire donner de l'argent par eux et d'autres faits de ce genre, déjà j'avais entendu circuler de pareils bruits : mais j'ai pris des renseignements de tous côtés et je n'ai jamais pu découvrir aucun fait qui puisse justifier de ces accusations. Le chaouch du juge de Paix, vous le savez tous, a voué une haine implacable a cet agent qui a déjà verbalisé 2 fois contre lui pour insultes grossières, c'est lui qui était le provocateur de l'enquête contre Ahmed qui a eu lieu il y a quelques années et c'est encore lui qui est provocateur des l'enquêtes qui se font aujourd'hui. Le juge de Paix s'est associé à cette œuvre, je le regrette vivement, parce qu'il n'y a rien de plus mauvais qu'un conflit entre les autorités surtout en présence de l'effervescence qui règne chez les indigènes, mais je peut le dire hautement, ce n'est pas moi qui l'ai provoqué, et je n'ai qu'un seul tort envers ce magistrat, celui de lui avoir prêté de l'argent.

Le juge de paix et le comité de défense se font une arme vis-à-vis de la population d'une somme de 15 f que Boussakra a versée entre mes mains pour avoir asséné un coup de bâton noueux sur la figure d'un de ses coreligionnaires, ce Boussakra, vous le connaissez tous, Messieurs, vous savez les punitions qui lui ont été infligées a plusieurs reprises par le Bureau arabe, vous en connaissez aussi les motifs de ces punitions. Eh bien ! Ce Boussakra c'est un arabe pour ces Messieurs, c'est l'honnêteté personnifiée qui dit-on habite le territoire civil, c'est qui est faux, il est bel est bien du territoire militaire, je puis vous l'affirmer. Ces Messieurs se font aussi une arme d'une somme de 64 f 30, trouvé sur deux indigènes vagabonds envoyés au Bureau arabe - Cette somme de 64 f 30 a été remise par l'agent de police et mon ordre en présence de témoins aux indigènes sur lesquels on l'avait trouvée, et ce, le jour qu'ils sont rentrés en ville. Le frère de l'un d'eux m'ayant juré que cette somme lui appartenait à lui. Le même jour, j'ai fait remettre à l'arabe qui avait été blessé et en présence de témoins, les 15 f versés par Boussakra quelques mois auparavant.

Savez-vous pourquoi j'ai rendu cet argent ? C'est parce que je connaissais l'enquête à laquelle se livrait le juge de paix et craignant d'avoir fait fausse route en disposant des fonds au profit des indigents, j'ai préféré ajouter aux sommes énormes que j'ai déjà versées pour secourir les blessés et les indigents. Celle de 64, 80 et de 15 plutôt que d'encourir un reproche.

La somme de 15 f provenait de Boussakra a été appliquée à la somme de 20 f que vous avez alloué vous-mêmes…. Le conseil à un voyageur indigent qui est venu vous demander du secours et auquel j'ai remis la somme en votre présence, il y a de cela environ trois mois et 1/2. Celle de 64 f 80 a été versée le même jour que les arabes ont été envoyés au bureau arabe entre les mains du receveur municipal ainsi que vous pouvez vous en assurer.

Voilà, Messieurs le crime que moi maire d'Orléansville ai commis, vous me connaissez tous, vous m'avez vu et me voyer journellement à l'œuvre, vous savez que rien ici ne se fait sans votre assentiments, vous savez en outre quelles sommes énormes j'ai versées pour les blessés et les indigents. Vous savez aussi les sacrifices que je fait tous les jours et je ne crains pas de dire hautement qu'il n'y a que des lâches et des misérables qui peuvent blâmés ma conduite, ce que j'ai fait, c'est dans l'intérêt général, c'est pour assurer l'ordre et la sécurité , et si j'ai fait fausse route ce n'est que par excès de zèle et de dévouement dont personne n'a le droit de me blâmer.

Le Conseil à l'unanimité reconnaissant que les explications données par M. le maire sont l'expression de la vérité, que la somme de 15 f de Boussakra à servi à compléter celle de 20 f alloué à un voyageur indigent par le conseil en entier, que celle de 64 f 80 a été versée le jour même de l'arrestation des deux indigènes ainsi que l'affirme le Receveur municipal, et que le prouve les livrets de cet agent.

Proteste de nouveau contre les enquêtes qui se font journellement.Approuve le maire dans tout ce qu'il à fait et lui vote des éloges et des remerciements pour le zèle, le dévouement et l'énergie qu'il n'a cessé de déployer, et auxquels la population doit la tranquillité et la sécurité dont elle a joui jusqu'à ce jour.