IV- La crue de 1930

IV- LA CRUE DE 1930

Elle constitue un résumé saisissant de tout ce que nous venons de voir sur les irrégularités du régime et ses éléments constitutifs. C'est la crue la plus extraordinaire qu'ait connue la région depuis l'occupation française : auparavant on signalait comme importante la crue de décembre 1877 pendant laquelle le Cheliff avait atteint dans la région un débit de 1.448 mètres cubes. La crue de 1930 devait largement dépasser ce chiffre.

Le mois de Novembre avait été particulièrement sec dans la plaine d'Orléansville puisque le pluviomètre marquait 3 m/m 4 dans l'agglomération elle-même ; 1,5 à Ard EI-Beïda et 2 à Malakoff, soit une moyenne inférieure à 2 m/m 5 (moyenne normale d'Orléansville pour ce mois: 64 m/m). La sécheresse sévissait également dans le reste du bassin: dans la plaine la moyenne d'Oued Fodda, les Attafs, Rouina, Kherba et Affreville donnait moins de 5m/m ; les cinq stations de montagne de Fromentin, Miliana, Molière, El-Nouadeur et Taza (Est de Teniet EI-Haad) recevaient en moyenne à peine 6 m/m chacune; dans le Sud la sécheresse était encore plus accusée puisque les cinq stations de Hardy, Rechaïga, Chellala, Aïn Radja et Anou ne recevaient pas en tout 1m/m de pluie. Aussi à Pontéba, le Chéliff roulait 1.370 à 1.390 litres-seconde, à peu près le débit du mois d'août. Décembre vint n'apportant d'abord aucune modification et, jusqu'au 19, le Cheliff écoule moins de 1 m3 500 à la seconde. C'est la plus effrayante sécheresse d'hiver qui se puisse relever dans l'histoire du Cheliff. Elle fut suivie de la plus formidable des crues.

Le 18 décembre le Cheliff roule à Pontéba 1 m3 470 ; le 21 son lit n'est plus assez large pour contenir les 2.700 m3 d'eau boueuse qui cherchent à s'écouler; à Charon l'oued atteindra le débit prodigieux de 4.192 m3 et sa vitesse d'écoulement sera de beaucoup supérieure à celle du Nil en temps de crue. En 24 heures il passe à Pontéba 200 millions de m3 d'eau, alors que certaines années le débit total n'atteint pas 100 millions de m3. L'inondation est générale, causant des dégâts considérables ; à Orléansville le pont cède sous la poussée de l'eau.

A quoi attribuer cette crue si rapide ? A la quantité formidable d'eau qu'en moins de 10 jours le ciel a déversé sur tout le bassin du Cheliff : les moyennes de décembre, malgré la sécheresse des premiers jours, en sont une preuve. Voici des chiffres (remarquons que, par ordre d'importance, chacune des régions a bien la place que nous lui avons assignée dans l'étude du régime) :

- Montagnes du Nord, 377 m/m en une moyenne de 12 jours.

- Montagnes du Sud, 220 m/m en une moyenne de 14 jours.

- Plaine du Cheliff en amont de Pontéba, 170 m/m en une moyenne de 9 jours.

- Plaine d'Orléansville, 100 m/m en une moyenne de 12 jours.

- Sersou et Hauts-Plateaux, 77 m/m en une moyenne de 12 jours.

La crue fut aussi rapide que violente: le 24, le Cheliff à Pontéba ne roulait plus que 769 m3 à la seconde et 90 le 30. Les pluies se poursuivant pendant le mois de janvier, les eaux remontèrent à nouveau, mais sans jamais atteindre les chiffres de décembre. La crue extraordinaire était passée.