L'AFFAIRE SI SALAH (1960)

L'AFFAIRE SI SALAH (1960)

Par Gilbert Meynier : Histoire intérieure du FLN 1954-1962 pp. 425 à 430

De plusieurs sources, il est avéré que le discours gaullien du 16 septembre 1959 avait fait de l'impression chez les junud et dans la population algérienne. Les Français répandirent une multitude de tracts disant que la lutte était désormais inutile. La lassitude et la cruauté de la guerre aidant, la proposition d'autodétermination fit le lit d'un accueil favorable aux tentatives de paix séparée, telle celle qu'entreprit le conseil de la wilâya 4.

Depuis la mort de Si M'hamed, en mai 1959, la wilâya était sous la direction du commandant Si/Salah (Mohammed Zamoum, 32 ans). Fils d'un instituteur kabyle, Salah venait du M.T.L.D. C'était un ancien de l'O.S., le type de militant combattant tel que la 4 et la 2 en avaient eu à leur tête. Ce fut son frère puiné Ali qui tourna, dans leur village natal d'lghil lmoula, la proclamation du 1er novembre sur une ronéo. Salah avait été célébré par la direction du F.L.N. comme le prototype du maquisard, valeureux et pur. Sensible, scrupuleux, pondéré, de santé fragile, grand et mince, Salah avait cependant fait partie du C.I.S.C.E. ; suivant à la lettre les consignes de Si M'hamed, il avait réclamé des purges en W6 pour punir l'assassinat du colonel Tayeb Djoghlali et cosigné un gros rapport sur les purges en W4 avec le commandant Si Mohammed (Djilali Bounaama).

Ce dernier (34 ans), originaire de Bordj Bounaama/Molière, dans l'Ouarsenis, ancien ossiste, organisateur né, était plus carré, plus robuste, plus dynamique, plus brutal, et il avait facilité la promotion de Hassan/ Youssef Khatib pour orchestrer l'épuration à la tête de la C.I.S.C.E. Parmi les principaux protagonistes, il y avait aussi le capitaine Lakhdar Bouchemaa (29 ans), ancien employé des P.T.T., originaire de Cherchell où il était allié aux familles notables de la ville. Davantage en rondeurs que ses collègues, calme, réservé, il était l'intellectuel du comité de wilâya. Adoré de ses subordonnés, menant une vie exemplaire, il avait été l'enfant chéri du colonel Si M'hamed. C'était un vrai politique, musulman animé d'une conception ouverte de l'islam, et anticommuniste parce qu'il imaginait que le G.P.R.A. était noyauté par les communistes. Il fut l'aile marchante de ce que l'on appela (( l'affaire Si Salah ". Autre intellectuel, ancien zaytûnien -le seul du comité de wilâya à avoir eu une sérieuse culture arabe, le capitaine Halim (Hamdi Benyahia, 28 ans), (originaire du Sud-Algérois (Sidi Aïssa), était un chef de valeur, qui était devenu capitaine sans gravir la hiérarchie tant ses capacités l'avaient imposé sans difficulté. Enfin le capitaine Si Abdellatif (Othmane Mohammed Telba), d'une famille ulalâ-, très dynamique, chef hors pair très aimé de ses hommes, venait du fameux commando Ali Khodja.

En janvier 1960, un conseil de wilâya historique se tint dans le Mongorno, présidé par Salah. Il prit plusieurs décisions - dont l'autorisation de fumer et la résolution de ne plus pratiquer de rétorsions contre la W6 - et il nomma à leurs postes respectifs les officiers qu'on vient de présenter. Le constat fut unanime: " Le peuple a trop souffert [...] le peuple est en voie de nous abandonner. " Ce fut à qui fulminerait le mieux contre le G.P.R.A. et les planqués de l'Extérieur qui avaient abandonné les combattants à leur triste sort. Fut commenté amèrement le mutisme opposé par le G.P.R.A. aux appels au secours et, avec colère, un message qu'il aurait envoyé: " Vous avez commencé la guerre à l'arme blanche, finissez-la avec l'arme blanche. " Lakhdar fit approuver un projet de congrès intérieur. L'idée qu'il pourrait désigner des parlementaires chargés de rencontrer les autorités françaises fut lancée. Des contacts avec les autres wilâya(s) furent prévus. Dès lors, toute la littérature de la wilâya allait accentuer l'orientation du conseil du Mongorno vers la rupture avec l'extérieur. En mars 1960, un rapport du commandant Lakhdar sur la W4 stigmatisait " l'organisme suprême de la Révolution [qui] était devenu un ramassis d'aventuriers, d'ambitieux ignares qui profitaient de notre combat, qui n'hésitaient pas devant l'assassinat, l'enlèvement, la corruption, le chantage, pour assouvir leur désir de domination, pour se fabriquer une personnalité ". Les vieux griefs contre " Boumediene le voleur d'armes " resurgirent à propos d'un contingent de 17 000 armes promises à la 4 et qui auraient été accaparées par la 5 et l'armée des frontières du Maroc. Ses " complices du G.P.R.A. ", Krim et Oussedik, n'étaient pas mieux arrangés; avec Boussouf, ils étaient traités de " monstres criminels " qui ne promettaient aux Algériens, pour le jour de l'indépendance, qu' " une liberté illusoire, une indépendance aliénée ". " La force considérable, les méthodes inhumaines de l'armée française ont fait moins de mal à l'A.L.N. que les traîtres de l'Extérieur en une année de gestion désastreuse. A ce titre, ces individus méritent la mort et l'indignité nationale [...]. Pour le moment, le Peuple algérien martyre [sic] lutte seul contre la plus grande puissance coloniale et chrétienne de ce monde [...] non seulement pour sa liberté, mais aussi pour l'honneur des peuples arabes, africains, pour le renouveau de l'Islam, donnant une leçon aux moudjahiddines de salon, aux clampions des banquets et des réceptions. Nous ne voulons plus que notre million de martyrs serve de slogan publicitaire [...] face à la trahison interne, externe, les chefs actuels ont toujours été à la pointe des combats [...], en connaissance de cause et en qualité de responsables des combattants, il ne nous est plus permis de laisser mourir un seul Algérien de plus. Dans l'intérêt supérieur du peuple et de l'Armée de Libération, il est urgent de cesser le combat militaire pour entrer dans la bataille politique. "

Ces sentences du commandant Lakhdar Bouchemaa peuvent-elles être considérées comme représentatives de l'ambiance des maquis en 1960 ? Dans le contexte de 1959-60, les espoirs placés en de Gaulle, vu comme un homme d'honneur, de pouvoir faire cesser le calvaire des maquisards par l'application de la paix des braves expliquent les démarches de Si Salah. Et aussi la perspective d'une Algérie algérienne coopérant avec la France, qui aurait, en 1954, constitué une base de négociations avec les nationalistes algériens si elle avait été proposée. L' entreprise de Salah et de ses collègues était donc aussi politique, sans doute proche d'une voie progressive à la Bourguiba que les blocages français et l'option consécutive du tout militaire prise par le F.L.N. avaient interdite. Mais, en 1960, elle ne pouvait pas ne pas être vue par le G.P.R.A. comme une tentative fractionnelle.

Les officiers de la 4 abandonnèrent le " plan 1 " (constitution d'un front intérieur des combattants pour renverser le G.P.RA.) parce qu'ils avaient peur de n'être pas suivis dans la 1 et dans la 6 où existaient nombre d' " hommes de paille du G.P.R.A. " et de s'y faire égorger s'ils s'y aventuraient avec leurs propositions de coup d'Etat. Ils se rabattirent sur le " plan 2 " qui envisageait clairement une paix séparée par-dessus la tête du G.P.R.A. Salah était partisan d'un front intérieur pour amener par contrainte l'Extérieur à traiter avec la France. Lakhdar, Halirn et Abdellatif voulaient un front intérieur, mais sans se soucier de l'Extérieur, et un avenir sous le signe de " l'Algérie algérienne coopérant avec la France ", un des trois termes de l'alternative gaullienne du 16 septembre 1959. Salah, lui, dut traîner les pieds et, d'après le témoignage du capitaine Lyès, ses trois collègues auraient résolu son arrestation s'il ne voulait pas les suivre. Quant à Si Mohammed, d'après la même source, il " se sentit seul [...]. Il fut contraint de les suivre vers de Gaulle ".

Des contacts informels et secrets furent pris par Salah à la mi-février dans l'Ouarsenis chez le bachagha Boualam avec le colonel Fournier-Foch. Il n'en sortit rien, mais ils furent le prélude à d'autres abouchements, par l'intermédiaire du cadi de Medea, Marighi, avec la préfecture du Titteri où furent dépêchés des envoyés de Paris - Bernard Tricot et le colonel Mathon. Les milieux militaires français d'Algérie croyaient tenir avec Salah et "ceux qui se battent " le fil qui allait dépelotonner le F.L.N. Aussi insistèrent-ils pour que les conversations débouchent sur des entrevues de haut niveau. Fin mai, un accord de principe sur les conditions de la paix des braves appliquée à la W4 fut élaboré: dépôt des armes, élargissement de nombreux prisonniers, cessez-le-feu, amnistie.

Pendant qu'avaient lieu ces conciliabules, la wilâya 4 se remettait difficilement du choc de l'offensive Challe. L'effet sur le moral des troupes et de leurs chefs avait été funeste. Le désarroi s'était installé, quand ce n'avait pas été le désespoir. Tout comme naguère chez Amirouche, le ressentiment s'était aiguisé contre la direction de l'Extérieur accusée de laisser l'Intérieur à l'abandon. Le 15 avril, Salah s'adressait au G.P.R.A. : " Puisqu'il semble définitivement établi que nous n'entretiendrons entre nous qu'un langage de sourds, nous nous permettrons de vous envoyer ce dernier message [...]. Vous avez interrompu radicalement tout acheminement de compagnies et de matériel de guerre depuis 1958 [...]. Vous avez de tous temps méconnu la situation du peuple et de l'A.L.N. Vous êtes enlisés dans la bureaucratie. Nous ne pouvons plus en aucune manière assister les bras croisés à l'anéantissement progressif de notre chère A.L.N. " Fin mai, la W4 avait fortement ralenti les opérations militaires. Des ouvertures en direction de la wilâya 3 furent tentées. Mohand Ou I Hadj se serait déclaré d'accord en tout avec l'entreprise de Salah et de ses amis. Mais, par prudence, il ne s'y aventura pas trop ouvertement: il voulait observer l'évolution avant de s'engager.

Les contacts avec les Français débouchèrent sur le transfert de Salah, Lakhdar et Mohammed en France, et sur une entrevue avec de Gaulle le 10 juin à l'Elysée. De Gaulle parla de l'autodétermination et de l'arrêt des combats, pour lui préalable à son exercice. Chez les Algériens Lakhdar eut le râle principal. Il se serait déclaré prêt à créer " un parti nationaliste modéré ". Il assura que les Algériens souhaitaient une large coopération avec la France, mais il représenta qu'il serait très difficile de faire rendre leurs armes aux junud. Mohammed parla de leurs souffrances; il s'inquiéta du sort des invalides et des victimes des opérations militaires; il demanda la suppression des autodéfenses et des unités de harkî(s).

Le président français fut d'accord pour laisser les gens de la 4 aller dans la 3 et contacter la I et la 2 pour les rallier au processus de cessez-le-feu. Mais il s'opposa à un voyage à Tunis pour rencontrer le G.P.R.A., ainsi qu'à une entrevue avec les chefs historiques ministres. Il fut cependant d'accord avec la transmission d'une lettre qui ferait pression sur le G.P.R.A. en vue d'un cessez-le-feu. Mais rien de concret ne sortit de l'entrevue de l'Elysée, sinon que le processus engagé allait se poursuivre par des contacts avec la W3. De Gaulle annonça aux trois Algériens que d'ici peu il ferait appel au G .P .R.A. pour lui proposer un appel au cessez-le-feu. Manifestement, de Gaulle ne mettait pas tous ses œufs dans le même panier. Le 14 juin, ce fut le discours de la " marine à voile " et, le 25, les premières prises de contact de Melun entre la France et le G.P.R.A. Selon certains auteurs français, le G.P.R.A. fut au courant des tractations : des membres de l'entourage de De Gaulle - notamment Edmond Michelet - étaient en effet en relations avec Krim. Cela pourrait expliquer pourquoi, dès le 15 avril, le gouvernement algérien donna pour mission au commandant Bencherif d'aller rejoindre la wilâya 4 pour y enquêter et prendre les mesures d'ordre qui s'imposeraient Après une première tentative infructueuse de passage du barrage algéro-tunisien, une seconde, plus méridionale, réussit, même si nombre d'accompagnateurs du commandant trouvèrent la mort dans le franchissement. Après plusieurs mois d'une difficile traversés de zones secouées par l'offensive Challe, Bencherif arriva en août au P.C. de la W4.

Le G.P.R.A. fut-il informé de la rencontre de l'Elysée? S'il le fut, il n'en accepta pas moins, peu après, l'entrevue de Melun. Décidée à sévir pour faire rentrer les rebelles dans le rang, la direction avait cependant compris que, ayant vu les émissaires de la W4, de Gaulle ouvrait les pourparlers avec le G.P.R.A., et avec personne d'autre.

En Algérie, au retour des émissaires de la 4, Salah se rendit en Kabylie pour entraîner la 3 dans le processus de paix des braves. Plus que jamais, Mohand Ou l Hadj, en butte à des oppositions chez tels de ses subordonnés, resta prudent et éluda ses propositions. Dans la 4 elle-même, des oppositions violentes s'élevèrent de la part des responsables de Lakhdaria/Palestro et de Sour El Ghozlane/Aumale. Un mouvement de purge fut déclenché qui décima à nouveau les cadres de la wilâya. Aux confins algéro-oranais, la sinistre C.I.S.C.E. redoubla d'activité. En vérité, si l'on suit la chronologie, les purges semblent bien avoir commencé dès la fin mai, notamment sous la supervision du commandant Hassan/Youssef Khatib, surtout dans l'Ouarsenis - mintaqa(s) 431 et 432. Les services français dressèrent la liste de 35 exécutions vraisemblablement faites début juin. Ce qui peut signifier deux choses: soit que se poursuivait un processus de purges déjà engagé auparavant, soit que Mohammed ait joué double jeu et qu'il ait prescrit, à l'insu de Si Salah, d'enclencher les purges pendant qu'il était à Paris avec Lakhdar et Salah. Mohammed retint la version de l'indignation et de la palinodie patriotique qui le lavait d'avoir été entraîné dans l'aventure élyséenne. Il ressentit avoir été doublé par le comité de wilâya qui avait agi sans lui demander son avis. Il prit mal, notamment, une lettre au Monde dans laquelle Lakhdar et Salah annonçaient que la wilâya 4 n'entreprendrait plus d'actions terroristes. Il plaida avoir toujours milité pour rester en accord avec le G.P.R.A. Mohammed devint donc l'homme privilégié de la direction dans la 4.

Le 14 juillet 1960, Mohammed procéda à la dissolution du comité de wilâya et nomma un " Comité militaire de coopération et d'exécution " dirigé par lui, et qui ne contenait, de l'ancien conseil de wilaya, que le capitaine Abdellatif. Le C.M.C.E. engagea les junud et les cadres à la vigilance pour " enrayer la trahison ". Le commandement de la W4 revint au commandant Mohammed. Le 22, Mohammed fit exécuter Lakhdar qui revenait d'une visite chez le cadi Marighi.

A son retour de Kabylie, Si Salah fut mis en état d'arrestation et maintenu sous surveillance au sein de sa wilâya. Bref, le commandant Mohammed remit rapidement de l'ordre dans la 4, au prix de purges supplémentaires que coiffa notamment son adjoint Hassan. Mohand Ou l Hadj se disculpa en expliquant qu'il avait toujours cherché à circonvenir les " visées criminelles importées " dans la 3 par la 4, mais qu'il avait réussi à " détourner de la trahison les gens de la wilaya 3 qui étaient tentés par l'aventure de Salah "1&1.Arrivé à point nommé en W4, Bencherif, envoyé par le G.P.R.A., renforça Mohammed dans sa détermination. Le 11 août, il fit exécuter Abdellatif. Fin septembre ou début octobre, Halim fut jugé par un tribunal dont le président était le capitaine Lyès, le procureur Bencherif et l'avocat... le commandant Mohammed. Il fut condamné à mort et exécuté. Après la capture de Bencherif par l'armée française, Mohammed fut maître du terrain. Avec son activité débordante, il réorganisa et mit au pas la 4 en relations suivies avec un E.M.G. qui aimait le dispensateurs d'ordre.

Ordre fut donné d'acheminer Si Salah par petites étapes en direction de Tunis. Il fut finalement tué dans une embuscade française le 20 juillet 1961, près de M'Cheddallah, sur le flanc sud du Djurdjura. Mohammed ne lui survécut que de peu: sans doute dénoncé, et cerné dans une maison de Blida par un commando du 11e choc, il fut abattu le 8 août par l'armée française. On sait que l'armée française avait des ordres pour abattre tout spécialement le commandant Mohammed. Et il n'est pas impossible que, miné par le remords d'avoir tué Lakhdar Bouchemaa, il se soit proprement suicidé en venant en ville se jeter dans la gueule du loup.

Bencherif avait été capturé en octobre par les Français. La moindre ironie de l'épilogue Salah ne fut pas l'envoi par le futur chef de la gendarmerie de l'Algérie indépendante d'un long télégramme à Ferhat Abbas qui lui fut manifestement soutiré par les Français, et où il reprenait les traces de Salah : " Vous demande une dernière fois de reprendre immédiatement les négociations avec le gouvernement français afin de trouver une solution rapide au drame algérien [...]. Comme wilaya pilote, la wilaya 4 se chargera de constituer un organisme suprême à l'intérieur du territoire national qui se chargera de discuter avec le général de Gaulle sur l'avenir de l'Algérie. " Antérieurement condamné à mort par la France pour sa désertion, Bencherif nefut pas exécuté. Il fut transféré en France où il resta en détention jusqu'à 1962.

Pour en revenir à l'affaire Si Salah, il semble bien que de Gaulle n'ait pas vraiment voulu un cessez-le-feu séparé avec les wilâya(s) comme le voulaient les partisans de l'Algérie française, et qu'il n'ait conçu l'entrevue du 10 juin que comme un moyen de pression sur le G.P.R.A. dans la négociation. .Au demeurant, un de Gaulle, ancien chef d'un gouvernement en exil ayant dû se colleter avec sa résistance intérieure, était-il prêt à faire fond sur la résistance intérieure algérienne contre le gouvernement algérien en exil? Chez de Gaulle, il y avait des choses avec lesquelles on ne plaisante pas. Le pouvoir légitime était de celles-là. Et pour lui, à l'été 1960, le G.P.R.A. était déjà en passe d'être perçu comme légitime. De leur côté, Salah et ses partisans voulaient bien un cessez-le-feu mais ils eurent plus ou moins scrupule à le décréter sans l'aval de la direction - histo- riques/ministres emprisonnés et G.P.R.A.

Le G.P.R.A avait senti passer le vent du boulet: il craignit un temps que la menace d'une paix séparée avec les combattants ne se concrétisât. En fait, la rapidité de la reprise en main de la 4 le fortifia face à la France. Malgré l'échec de Melun, à l'été 1960, le F.L.N. savait qu'il était désormais de fait l'interlocuteur unique de De Gaulle. Les menaces de discuter avec " d'autres tendances " -les messalistes ou le F.A.A.D. fantoche - ne furent jamais brandies avec conviction. A la direction du F.L.N., les déclarations maximalistes de l'époque, le discours de la guerre à outrance, les voyages en Chine, la publicité donnée au projet jamais réalisé de brigades internationales... étaient de bonne guerre pour amener l'interlocuteur à composer. Ils ne remettaient en rien en cause l'option politique amorcée. Mais l'affaire Salah avait démontré l'épuisement et l'impression d'abandon de l'Intérieur face à une direction extérieure accusée de tous les maux. La direction extérieure ne fut pourtant pas la seule à maltraiter les junud et les cadres. Les campagnes sanglantes d'épurations dénommées " purges ", aussi, pesèrent leur poids dans le martyrologe des maquis.