C'est un fait d'observation courante que le Cheliff, bien que le plus long des oueds algériens, possède également un régime très irrégulier. Notre but est de mesurer tout d'abord l'ampleur de cette irrégularité dans une région donnée - (cette région est la plaine du Cheliff, entre le barrage de Pontéba à l'Est et celui de Charon à l'Ouest) - et ensuite d'en déterminer si possible les causes avec quelque précision. Avant toute chose il paraît utile de donner certains chiffres moyens qui serviront de base pour apprécier et ensuite expliquer les irrégularités.
L'abondance moyenne d'un cours d'eau s'exprime par son module, c'est-à-dire " la moyenne à la seconde de tous les débits de l'année", Au barrage de Pontéba, pour la courte période envisagée, ce module atteint 21 m3, ce qui correspond à plus de 23 m3 à la seconde à Charon. Mais sur l'ensemble de la période 1923-1935 au barrage de Charon, le module tombe à 18 m3, soit un débit très faible pour un cours d'eau de 700 kilomètres.
Au cours de la période 1923-1935, au barrage de Charon, le Cheliff a charrié une moyenne de 550 millions de m3 d'eau, ce qui ne représente qu'une faible partie de l'eau tombée dans son bassin comme le prouve le calcul de son Coefficient d'écoulement. Pour ce calcul nous ne disposons malheureusement que de la superficie du bassin versant au barrage de Pontéba. Aussi, bien que nous ne possédions que de peu de chiffres de débit, il nous faut calculer le coefficient d'écoulement au barrage de Pontéba. Voici les chiffres sur lesquels nous nous basons :
- Débit total annuel: 743.994.084 m3.
- Superficie du bassin: 19.150 km2.
- Quantité annuelle moyenne des pluies tombées pendant les années correspondant aux observations de débit: 502 m/m (moyenne de 20 stations réparties dans le bassin considéré).
D'où le calcul: Volume d'eau tombée : 0,5 X 19,150.000.000 m2 = .575.000,000 m3
Coefficient : 744
_____
9.575 __
__ 7,7 %
Ce chiffre très, faible s'explique par l'importance de l'évaporation.
(1) Les observations précises manquent pour permettre l'étude du régime du Cheliff pendant une très longue période. Toutefois nous avons pu nous procurer les chiffres détaillés des débits à Pontéba en 1927, 1928, 1929, 1930 et 1932, et à Charon de 1923 à 1935. Cette dernière période surtout est intéressante à considérer malgré le manque d'observations en 1928, année pendant laquelle le barrage de Charon, très endommagé par les crues de 1927, étant soumis à des réparations, les calculs de débit n'ont pu avoir lieu. C'est sur l'ensemble de ces chiffres que se basent nos conclusions.
Les figures 1,2 et 3 montrent pour une période de 13 années les variations des débits minima, moyens et maxima à la seconde à Charon. La courbe du débit maximum présente de remarquables irrégularités: alors qu'en 1926 le débit évalué en mètres cubes-seconde est de 81,433, il s'élève en 1927 à 1.077 ; en 1929 nous notons 535,360 et en 1930 le chiffre prodigieux de 4.192 mètres cubes-secondes. Entre 1924 et 1930, le rapport des débits maxima est de 1/68. La moyenne du débit maximum au cours de cette période étant de 100 m3, nous voyons que sur 12 années, 3 dépassent de beaucoup cette moyenne et 9 ne l'atteignent pas. A Charon le débit surpasse en général celui de Pontéba par suite évidemment de l'apport des affluents que le Cheliff reçoit entre Pontéba et Charon.
La courbe du débit moyen présente un dessin semblable à celle du débit maximum, mais l'importance des irrégularités est bien moindre: l'écart maximum réalisé entre deux années (1926 et 1934) atteint en mètres cubes-seconde : 45.517, ce qui donne pour ces deux observations un rapport de 1/13. Il y a toujours 3 années au-dessus de la moyenne et 9 au-dessous.
La courbe du débit minimum ne s'apparente guère à celle du délit maximum: elle présente des irrégularités moins accusées. La moyenne du minimum étant de 1 m3 280 seulement 4 points sont encore au-dessus de la moyenne, mais le rapport entre les deux observations extrêmes 1/17, est voisin de celui évalué pour le module et de 1923 à 1929 le débit se maintient entre 247 et 825 litres-seconde. Il y a donc dans les minima une régularité que nous ne trouvons point dans les maxima ni même dans les modules.
Les courbes l et 3 montrent, d'autre part, qu'il n'y a qu'une imparfaite relation entre les années de maxima importants et celles où les minima sont peu accusés.
Nous retrouvons les mêmes irrégularités que dans les débits à la seconde. Quelques chiffres, par exemple, pour les débits annuels: alors qu'en 1926, l'Oued charrie 60 millions de mètres cubes d'eau, en 1927, il roule 1.332.000.000 de m3 et en 1934, 1.551.000.000 soit entre 1926 et 1934, un rapport de 1/26. Mêmes constatations pour les débits journaliers: janvier 1928, voit le débit du Cheliff décupler du 10 au 11. La variation des débits mensuels est encore plus intéressante, car elle traduit le mouvement général des eaux dans la plaine d'Orléansville (fig. 4).
Nous retrouvons nettement, comme dans tous les oueds, l'opposition marquée entre la période des crues et celle des maigres: de juillet à décembre, le rapport des débits est de 1 à 30. La période de maigres s'étend sur une grande partie de l'année: 8 mois sur 12 ont un débit au-dessous de la moyenne. En 4 mois (décembre, janvier, février, mars) le Cheliff à Charon roule les 7/9 de l'eau qui s'écoulera dans toute l'année.
Dans le détail cette irrégularité se confirme : ni la période sèche, ni la période humide ne sont représentées par une courbe régulière. D'avril à juillet, le débit ne baisse pas régulièrement pour remonter ensuite. Un petit palier existe entre avril et mai ainsi qu'une remontée des eaux en septembre suivie d'une chute en octobre. Au cours de la saison des crues même irrégularité: les eaux atteignent leur niveau le plus élevé en décembre, mais ensuite elles ne baissent pas progressivement: par rapport au mois de février, le mois de mars présente un maximum très apparent.
Telles sont les principales irrégularités du Cheliff dont il nous reste maintenant à rechercher la cause.
Il est évident que les conditions climatiques locales interviennent pour expliquer le régime du Cheliff, tel que nous venons de le voir: dans l'ensemble (fig. 4), la saison des maigres correspond à la saison sèche et la saison des crues à celle des pluies. Mais les pluies locales ne sont qu'un des éléments du régime et non le plus important.
Interviennent d'abord, avec un rôle nettement prépondérant les stations de montagne (Zaccar, Dahra, Ouarsenis) (fig. 5) : tous les maxima de débit correspondant à de fortes pluies sur les systèmes montagneux qui bordent la plaine du Cheliff. Par suite des fortes pentes et de l'absence fréquente de végétation, l'eau s'écoule rapidement vers la vallée et détermine les montées brusques si caractéristiques du régime. Ce sont surtout les montagnes du Nord qui à cet égard ont une influence capitale : frappées les premières par les vents humides, elles reçoivent, en effet, les précipitations les plus abondantes.
Après les pluies de montagne le premier rôle appartient à celles qui tombent dans la vallée du Cheliff en amont de la région considérée (fig. 5). Quant aux pluies du Sud (Sersou et hauts plateaux), contrairement à une opinion répandue dans la région, elles viennent seulement renforcer le mouvement général des eaux, ne jouant dans l'ensemble qu'un rôle secondaire.
Le régime du Cheliff dans la plaine d'Orléansville, nous apparaît donc comme le résultat de la combinaison de divers phénomènes pluviométriques qui seraient par ordre d'importance:
Les pluies des régions montagneuses du Nord (Zaccar, Dahra) ; Les' pluies des régions montagneuses du Sud (Ouarsenis) ; Les pluies de la plaine du Cheliff en amont de Pontéba ; Les précipitations locales ; Les précipitations dans le Sersou et les Hauts-Plateaux.
Dans toutes ces régions on note la même sécheresse accusée de la saison chaude: d'où les maigres. Dans toutes également la saison pluvieuse est l'hiver: d'où les crues. Les plus importantes de celles-ci s'expliquent par la concordance de maxima pluviométriques dans toutes les zones dont les eaux alimentent le Cheliff. Si les pluies sont localisées, on assiste seulement à une montée normale; si, par hasard, des précipitations abondantes s'étendent à tout le bassin du Cheliff, la crue devient catastrophique comme cela se produisit en décembre 1930.
Elle constitue un résumé saisissant de tout ce que nous venons de voir sur les irrégularités du régime et ses éléments constitutifs. C'est la crue la plus extraordinaire qu'ait connue la région depuis l'occupation française : auparavant on signalait comme importante la crue de décembre 1877 pendant laquelle le Cheliff avait atteint dans la région un débit de 1.448 mètres cubes. La crue de 1930 devait largement dépasser ce chiffre.
Le mois de Novembre avait été particulièrement sec dans la plaine d'Orléansville puisque le pluviomètre marquait 3 m/m 4 dans l'agglomération elle-même ; 1,5 à Ard EI-Beïda et 2 à Malakoff, soit une moyenne inférieure à 2 m/m 5 (moyenne normale d'Orléansville pour ce mois: 64 m/m). La sécheresse sévissait également dans le reste du bassin: dans la plaine la moyenne d'Oued Fodda, les Attafs, Rouina, Kherba et Affreville donnait moins de 5m/m ; les cinq stations de montagne de Fromentin, Miliana, Molière, El-Nouadeur et Taza (Est de Teniet EI-Haad) recevaient en moyenne à peine 6 m/m chacune; dans le Sud la sécheresse était encore plus accusée puisque les cinq stations de Hardy, Rechaïga, Chellala, Aïn Radja et Anou ne recevaient pas en tout 1m/m de pluie. Aussi à Pontéba, le Chéliff roulait 1.370 à 1.390 litres-seconde, à peu près le débit du mois d'août. Décembre vint n'apportant d'abord aucune modification et, jusqu'au 19, le Cheliff écoule moins de 1 m3 500 à la seconde. C'est la plus effrayante sécheresse d'hiver qui se puisse relever dans l'histoire du Cheliff. Elle fut suivie de la plus formidable des crues.
Le 18 décembre le Cheliff roule à Pontéba 1 m3 470 ; le 21 son lit n'est plus assez large pour contenir les 2.700 m3 d'eau boueuse qui cherchent à s'écouler; à Charon l'oued atteindra le débit prodigieux de 4.192 m3 et sa vitesse d'écoulement sera de beaucoup supérieure à celle du Nil en temps de crue. En 24 heures il passe à Pontéba 200 millions de m3 d'eau, alors que certaines années le débit total n'atteint pas 100 millions de m3. L'inondation est générale, causant des dégâts considérables ; à Orléansville le pont cède sous la poussée de l'eau.
A quoi attribuer cette crue si rapide ? A la quantité formidable d'eau qu'en moins de 10 jours le ciel a déversé sur tout le bassin du Cheliff : les moyennes de décembre, malgré la sécheresse des premiers jours, en sont une preuve. Voici des chiffres (remarquons que, par ordre d'importance, chacune des régions a bien la place que nous lui avons assignée dans l'étude du régime) :
- Montagnes du Nord, 377 m/m en une moyenne de 12 jours.
- Montagnes du Sud, 220 m/m en une moyenne de 14 jours.
- Plaine du Cheliff en amont de Pontéba, 170 m/m en une moyenne de 9 jours.
- Plaine d'Orléansville, 100 m/m en une moyenne de 12 jours.
- Sersou et Hauts-Plateaux, 77 m/m en une moyenne de 12 jours.
La crue fut aussi rapide que violente: le 24, le Cheliff à Pontéba ne roulait plus que 769 m3 à la seconde et 90 le 30. Les pluies se poursuivant pendant le mois de janvier, les eaux remontèrent à nouveau, mais sans jamais atteindre les chiffres de décembre. La crue extraordinaire était passée.
S’étendant sur environ 35 km de longueur, la plus orientale de ces plaines, celle de Djendel, tourne le dos à la Mitidja et s’individualise par une grande netteté. Entre le plateau de Médéa qui atteint un millier de mètres et les monts du Zaccar qui culminent à 1579 mètres, celui du djebel Ganntas ne dépasse guère 800 mètres, dominant le plus souvent la plaine. Le Cheliff se fraye un passage dans la région médiane jusqu’à hanter les hauteurs ravinées du djebel Doui et pénétrer la plaine des Attaf. Pourtant, la montagne paraît proche. La masse de l’Ouarsenis s’annonce par les mamelons dénudés et ravinés, et des agiles du miocène. Au nord, faisant suite au massif de Miliana, des chênes verts et quelques boisements barrent l’horizon de manière continue. A l’ouest, la plaine d’El Attaf se termine au pied des monts des Beni Rached ou colline des Ouled Abbès, Après son confluent avec l’Oued Fodda, pour continuer sa course vers l’ouest, le Cheliff +++++++ dont l’obstacle que dresse devant lui le dos-d’âne des terrains pliocènes. Passé ce denier le Cheliff retrouve le paysage de la plaine alluviale, un paysage plus varié, plus complexe. Au nord, les collines des montagnes rouges dominent le Cheliff où le vert et l’ocre de quelques pins paraissent arrêter l’extension de la plaine prés de la route de Ténès à Chlef.
Tout un décor d’une ampleur à partir de Merdjat Sidi Ahmed. Tous ceux qui ont traversé Chlef en saison chaude conservent un souvenir accablant. Une région « baignée de flammes ». La température explique l’intensité de l’évaporation, même si le Cheliff est toujours présent ici comme ailleurs : dans notre pays, la plaine attire l’homme. La vallée du Cheliff est considérée par les géologues comme une zone effondrée à ondulations anticlinales et synclinales qui constituent le synclinorium chélifien d’un style tectonique sans commune mesure. Alors s’établit l’hydrographie du Cheliff, héritière d’un bras de mer qui , au cours des temps néogènes, fut un trait dominant et à peu près permanent de la structure de l’ouest de notre pays. Son sol façonné par d’importants mouvements orogéniques, ne peut être qu’instable et une région sismique des plus connues. Un sol surchauffé dont le régime thermique montre bien l’originalité chélifienne. Au total, un climat de caractère continental, aux étés très chauds, aux hivers tièdes avec un printemps écourté et un automne très bref. L’auréole forestière est loin d’être continue et souvent les massifs qui plongent vers la plaine étaient des versants sinon complètement dénudés, du moins recouverts de maigres formations, d’un maquis dégradé comparable à une peau de panthère. Voyons maintenant ce qui caractérise la vie de ses habitants et l’évolution de la sociologie tribale dans la vallée du Cheliff.
En fait, on ne sait à peu près rien sur la préhistoire des plaines du Cheliff. Il est certain que les versants de la vallée furent occupés de bonne heure comme en font foi plusieurs découvertes dans le Dahra ou sur le flanc septentrional de l’Ouarsenis. Il en fut probablement de même des plaines chélifiennes sans que l’on puisse donner des précisions. L’histoire garde longtemps le silence sur les plaines du Cheliff. Carthage n’a point fondé de colonies à l’intérieur des terres du Cheliff ni installé des comptoirs comme ceux d’Iol (Cherchell). Gumsgu (prés de Gouraya). Gardil (l’embouchure de l’oued Dmous) et Cartennae (Ténès). Ont dit que le nom de Zucchabar (celui de Miliana sous l’occupation romaine) est d’origine phénicienne. Par contre rien ne prouve que les phéniciens sont descendus jusqu’au Cheliff, peut être à Ténès ou les phéniciens ont exploité une mine de cuivre. Quant à l’occupation romaine, les découvertes faites par les Français ont montré des ruines d’habitations, murs d’enceinte, vestiges de fortins, travaux hydrauliques, mosaïques, vases, monnaies,etc.
Là aussi, on peut avancer que la colonisation française ne s’est intéressée, pour des raisons qu’on connaît, qu’à, la civilisation romaine. Castellum Tingitanum (Chlef) était un poste fortifie qui devait défendre la région. On y trouve une grande villa avec un tombeau souterrain de 15 à 18 mètres de diamètre divisé en compartiments et recouvert extérieurement d’une mosaïque. Bien avant le Ve siècle, la pax romana connut des moments difficiles et les cités vécurent des heures tragiques. L’histoire signale des révoltes berbères dès le milieu du IIIe siècle, révoltes spontanées au cours desquelles les tribus montagnardes surtout s’attaquèrent aux Romains et aux Berbères romanisés et les terres furent pillées. C’est alors que la place de Castellum Tingitanum aurait été dévastée par le chef maure Sisga, en 255 après Jésus-Christ, et aurait obtenu peu après de Gallien le droit de colonie.
Le donatisme exerça une influence notable dans la vallée du Cheliff. Firmus, chef berbère, avec l’aide des tribus berbères. « Mazices » résista de 372 à 375 au maître de la cavalerie Théodose, envoyé par valentinien.
Quelques années plus tard, le frère de Firmus, Gildon, reprit la guerre d’indépendance avec l’appui des donatistes (396-398 ap J-C) vinrent les Vandales qui détruisirent les cités en empruntant la voie du Cheliff.
Après l’effondrement de l’autorité romaine et plusieurs siècles avant El Foutouhat, l’établissement de nouvelles populations va avoir pour conséquence un mode de vie différent d’occupation du sol avec une transformation des genres de vie.
La géographie explique dans quel sens se firent les migrations. Voie de passage essentielle, la vallée du Cheliff attira de forts contingents d’habitants. Il est certain tout d’abord qu’en période de troubles, le refoulement des populations de la plaine vers la montagne n’est pas le seul courant démographique à envisager. Mais l’histoire de la région ne comporte pas uniquement des siècles d’insécurité. Elle a connu aussi des moments de prospérité. L’argument décisif, nous le trouvons dans la composition même des tribus où l’élément montagnard tient souvent une très grande place. Le douar de Sidi Ameur dans les Ouled Abbès est originaire de Mazouna.
Chez les Abid (à l’ouest), on rencontre les Braz, les Beni Ouazan et les Chouchaoua (de l’Ouarsenis). Les Beni Menasser étaient établis chez les Arib et possédèrent un tiers du territoire de la tribu.
Dans la tribu de Djendel, les Doui Hassim et les Ouled Amran Chenlet El Hadj cultuvaient une partie des terres depuis le XVIIIème siècle, appelés par les familles du Djendel qui étaient décimées par une épidémie.
Chez les Ouled Kosseïr, on rencontre un grand nombre de propriétaires appartenant aux Medjadja et dont la présence a soulevé à l’époque des difficultés de cantonnement, mais encore dans la tribu même on relève d’autres telles :
• Les Ouled Khadra, originaires des Hachem Ghris (haute noblesse de la région de Mascara) ; • Les Ouled Cheffa, originaires de Beni Tigrin ; • Les Djaïd, originaires des Beni Keraïche ; • Les Cheurfa Ouled Sidi Lazreg, originaires des Flittas (Ouarsenis occidental) ; • Les Dekakcha, descendants de Ben Dekkech, ancien seigneur des Mehal ayant commandé le bas Cheliff ; • Les Chetahi, originaires des Sendjes (Ouarsenis, au sud de Cheliff) ; • Les Habaïr, originaires des Baghdoura (Dahra, nord-ouest Cheliff) ; • Meraïria et Houanoui originaires des Sbeah (Oued Chlef) ; • Les Zebadja-Mouafkia, les Roumilia, les Athmenia, originaires des Ouled Chérif (Tiaret) ; • El Hadar, originaires de Mazouna (Dahra Oranais) ; • Merouania, originaires des Beni Merzoug (Sud-ouest de Ténès) ; • Ouled Hamdane, originaires des Medjeha (région de Mostaganem) ; • Les brehah, originaires des Ouled Riah (Dahra occidental) ; • Les Ouled Sidi Youcef, descendants des marabouts de ce nom ; • Les Ouled Sidi Ahmed Ben Abdellah, venus de Medjadja, liés familialement aux Ouled Sidi Macout El Hammam et les Hathah du Sahara ; • Les Beni Zidja issus des Heumis (entre Chlef et Ténès)
Ainsi dix-huit tribus, dont une douzaine sont originaires des régions montagneuses
Longtemps encore, la première entrée des Arabes, les Sanhadja dominent la région. A partir du VIIIème siècle, apparaissent les premiers Maghrawa, appartenant au groupe des Zenata et qui, menant une vie nomade, firent de la vallée de Chlef leur terre de parcours, ils devinrent les soutiens des Omeyades d’Espagne contre les Fatimides. A la fin du Xème siècle, les Maghrawa sont vaincus en partie dispersés vers l’ouest.
Les Akerma est venu des Flittas au XVIe siècle.
Les Ouled Riah amenés par les Hillaliens s’établirent au nord de Tlemcen puis redescendirent vers les plaines du Cheliff. Ainsi, pou imaginer le brassage de toutes ces tribus, il faut se rappeler l’histoire de cette grande vallée du Cheliff. Dès le XIe siècle, cette région a été le couloir de circulation entre les dynasties arabes de l’est dont les armées marchèrent à la rencontre les unes des autres, se heurtant sur les bords du Cheliff. Pendant plus d’un siècle, la vallée retentissait au fracas des combats entre les Abdelwadides et les Zenata du Cheliff. Ces derniers fuyèrent vers les montagnes plutôt que de se soumettre, mais surent en redescendre pour pendre part aux rivalités entre Zianides (ou Abdelwadides) et Mérinides compliquées par les interventions des Hafsides et les révoltent locales.
….XIVème siècle que s’installèrent les Attaf en 1348 où nous les trouvons avec les Mérinides contre les Abdelwadides, mais une dizaine d’années plus tard, ils rallièrent les Abdelwadides et quand la fortune leur fit défaut, comme en 1376, ils s’enfuyèrent au Sahara.
Même avec l’arrive des Turcs, la vallée resta instable au XVI ème siècle. L’an 1701, des combats ente Turcs et Marocains eurent lieu sur la Djidiouia où succomba l’armée du sultan Moulay Ismail. Les Turcs ont toujours déplacé les tribus pour s’assurer la domination dans le pays. Ils eurent, comme les Français, l’art de diviser pour régner et surent toujours opposer savamment ceux qui pouvaient les menacer.
Aussi, les Beni Ahmed avaient été constitués en tribus Makhzan pour empêcher les tribus du sud d’envahir la plaine orientale du Cheliff. Ils renouèrent les relations avec les tribus Mellah, Djenas, Chorfa de la vallée du Nahr-Ouassel conte lesquelles ils avaient été appelés. Les Turcs leur donnèrent pour voisins et pour surveillants les Ouled Sida, d’origine berbère du sud qu’ils rattachèrent aux Beni Fathem.
On ne peut pas s’étonner dans ces conditions du caractère hétérogène des tribus de la vallée. Durant des siècles, il y a eu brassage des populations. En fait, c’est à une histoire extrêmement troublée qui fit des plaines du Cheliff un creuset où s’est soudée une population que le hasard des migrations et des combats avait rapprochée lorsque ce n’était pas la volonté d’un homme comme pour les Ouled Kosseïr.
Les Fatihines ont apporté un bouleversement dans le genre de vie de la vallée. Mais on ne peut ramener l’évolution de cette région à un simple diptyque en opposant la vie sédentaire avec ses cultures et ses villes à la vie nomade avec ses troupeaux et ses tentes, non seulement parce que le nomadisme est bien antérieur à la venue des Arabes, mais aussi parce que l’évolution présente plus de complexité qu’on le pensait. Il y a eu renaissance à partir du IXème siècle dans tout le Maghreb. On ne sait pas grand-chose sur la période de domination romaine et qui correspond à l’invasion vandale, de l’occupation byzantine à la première conquête arabe, et à l’agitation kharidjite. Les plaines du Chéliff connurent alors quatre siècles de troubles pendant lesquels les cités se dépeuplèrent et disparurent. Sur les sites où vécurent citoyens de Tigava Municipium et de Castellum Tingitanum, des pans de murs et de colonnes dressèrent vers le ciel les vestiges d’une splendeur passée et comme s’ils sentaient qu’il y avait de pierres qui ont qualifié la région d’El Asnam (les statues). Ces lieux qui avaient contribués à faire de la terre d’Afrique « l’ornement de toute la terre, speciositateur totius terrea (citation empruntée à « l’histoire d’Algérie » de Gsell, Marçais et Yver. P.71).
A quoi attribuer cette catastrophe bien antérieure à la grande arrivée des Hilal et Solaïm ? Peut-être à la révolte du prolétariat des grandes fermes romaines, à l’insurrection des chefs berbères et aux incursions dévastatrices des montagnards et peut-être des Maghaoua d’origine zénatienne qui ont un mépris pour les villes polluantes et dégradantes des sédentaires.
Mais la vallée du Cheliff a eu une grande renaissance comme le note El Yagoubi au IX ème siècles, « terrains de culture qui entourent la ville de Khadra », et dans la seconde moitié du Xème siècle, Ibn Hawqal énumère « la richesse en fruits, et en céréales de Yelel (ou Ilel sur l’Hillil), les terrains cultivés et les arbres du Cheliff et les nombreux jardins de Benou Oueriken ».
El Bekri trouva encore les environs d’El Khadra « couverts de jardins » et, un siècle plus- tard, El Idrissi décrit : « Cette petite ville fortifiée su le bord du ruisseau au travers des champs cultivés et de vergers ». C’est sans doute à cette époque que fut rétabli, au moins partiellement, l’ancien système d’irrigation de Mina.
El Yagoubi cite que la ville d’El Khadra a de nombreuses forteresses et est qualifiée de ville célèbre à vocation commerciale. Ces deux villes étaient aux mains des Alides, descendants du Prophète par Sidna Ali, il s’agit, en fait, de la descendance de Soleïman, frère d’Idriss, venue de Tlemcen.
Ces progrès de vie sédentaire ne semblent guère se poursuivre après le XII ème siècle avant même l’arrivée des grandes tribus arabes. La vallée du Cheliff devait connaître de nouveaux bouleversements.
En 1839 on note les tribus suivantes : les Djendel, les Hachem, les Arib, les Beni Boukni, les Ouled Aïssa, Ouled Yahia, El Harrar, El Attaf, Ouled Kosseïr, Ouled El Abbès, Ouled Khouidem, Akerma chéraga, Ouled Sidi Abdellah, Ouled Ahmed Mehal, Ouled Souid, Sahari.
On ne peut pas dire que les plaines du Cheliff étaient alors entièrement livrées aux nomades qui payaient un droit aux Turcs appelés « Lussa » pour accéder au tell.
Une véritable vie citadine s’organisait. La propriété est concentrée comme dans les régions du pays entre les mains de quelques familles qui ont servi les Turcs. Des actes de propriété, avec concession, leur seront donnés à titre gratuit. Chez les Ouled Farès, des privilèges d’origine noble, chez les Ouled Sidi Bou Abdellah (ou Sidi El Aribi). Il leur donna le droit par l’influence qu’ils exerçaient sur les habitants. Dans cette région où le Melk dominait, peut-on parler de propriété collective ? Il est certain que chaque tribu avait un droit exclusif sur un territoire déterminé. Il faut attende le sénatus-consulte pour distinguer le Melk du domaine public et du bien domanial.
L’administration Française héritera de l’ensemble des droits du beylik bien limités dans toute la région allant du Djebel Doui aux collines des Beni Rached. Alors que dans la ville de Chlef où se trouvait la puissante tribu des Ouled Kosseïr, la situation est tout autre.
La chute du gouvernement turc d’Alger fut suivie dans le Cheliff par l’organisation de l’Etat Abdelkader dont les tribus Hacham de Mascara seront le sujet de notre prochaine étude. Les laines du Cheliff constitueront un axe de communication essentiel dans la résistance anti- coloniale que mènera l’Emir Abdelkader.
On peut conclure que la vallée du Cheliff a connu de grandes transformations qui ont été nécessairement accompagnées de modifications profondes dans la structure sociales de ses habitants.
Comme pour les autres régions, une aristocratie foncière formée par les dons et les concessions des Turcs pour services rendus gravira les échelons sociaux par la fortune acquise au prix de soutiens, services et alliances, et le niveau de vie résultera de la conjonction de trois phénomènes étroitement liés ; l’importance de la production, le système de répartition du revenu et la situation démographique.
Telle est brièvement la généalogie tribale chélifienne dans toute l’osmose de la nation algérienne pétrifiée dans les sources lointaines d’une histoire millénaire et riche d’évènements qui lui ont donné un certificat de naissance plusieurs fois millénaire dans l’histoire universelle.
__________________- « commune mixte du Chéliff : enquêtes sur les différents douars » 1935- Réalisation par l’administrateur M.Kas
- « Souvenirs d’Algérie : notes sur Orléansville et Ténès ».
- « La colonisation des plaines du Chéliff » par Xavier Yacono-Imprimerie Imbert –Alger 1955 – Toms 1 et 2.
- « El Mili Moubarek Ben Mohamed Hilali : histoire d’Algérie de l’Antiquité à nos jours ».
- R. Tinton : « les aspects physiques du tell oranais ».
- Revue africaine : 1856. pp 335-345, pp 428-440, pp 182 -183.
- Revue archéologique 1847, pp 653-669.