L’Emir Abdelkader, de son vrai nom Hadj Abdelkader Ben Mahieddine, est né le 06 septembre 1807, au village de Guetna, près de Bou Hanifia (wilaya de Mascara). Descendant d'une famille noble et chérifienne, la confrérie "Kadiria". Le jeune Abdelkader appris à lire et à écrire parfaitement l'arabe dès son tendre âge.Son père Cheikh Hadj Mahieddine, homme cultivé et théologien, y a veillé pour forger un homme de guerre
très intelligent.
Réagissant à l'agression criminelle des colonialistes, il organisa les forces populaires algérienne et fit preuve de grande clairvoyance dans le domaine militaire. Au terme de dix sept années de luttes implacables contre l’envahisseur, il décida volontairement de faire sa reddition le 23 décembre 1847 au généréal Lamoricière. Il mourut 24 mai 1883, à l'âge de, 76 ans, en exil à Da.mas, (Syrie). Le 5 juillet 1966, l'Algérie indépendante rapatria ses cendres et l'enterra au carré des martyrs d’El Alia à Alger.
En 1829, deux pèlerins rentrent d'un long séjour à Mekka, Médine et Baghdad. Si Al Hajj Mohiy-ed-dine et son fils Si Al Hadj Abd-al-Qader, le futur Emir. Ils longèrent le pays des Beni Haoua et des Beni Hidja, soit par le nord, le long du littoral, soit par le sud, par l'oued Damous-Hamelil et aboutirent chez Si Al Hadj Maammar ben Khobzili, Caïd des Heumis, qui les garda plusieurs jours chez lui. Revenait-il, lui aussi d'accomplir son pèlerinage ? Une fois reposés, Si Al Hadj Mohiy-ed-Dine et son fils continuèrent leur route….
Il n'est pas impossible que le futur Emir et son père soient passés par la vieille ville de Ténès, bien qu'on n'en ait aucune trace écrite ; en effet Si Mohammed Ben Tayeb, alors Hakem de Ténès
, était aussi un ami fidèle de l'Emir, tout comme Si El Hajj Maammar ben Khobzili.
Alphonse Daudet célèbre écrivain français, né à Nîmes en 1840, est mort à Paris en 1897. Auteur de plusieurs ouvrages de renommés mondial, dont il faut citer - Lettres de mon moulin (1866) le Petit Chose (1868), Tartarin de Tarascon (1872), Sapho (1884) et la chèvre de M. Seguin. Confronté à des difficultés de santé (insuffisances respiratoires), son praticien lui conseilla de se rendre en Algérie, dans la région de Milianah (monts du Zaccar) à Aïn N'sour, réputée pour son air limpide et propre. Effectivement, il se rendit dans cette partie du Cheliff et doit y demeurer plusieurs années. Il garda de son séjour de vivaces souvenirs. Il entreprit dès 1872 à rédiger les aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon. L'histoire tourne autour de ce naïf chasseur Tarasconnais qui finit par tuer un lion. Cette célèbre trilogie doit la continuer par la publication en 1885 de Tartarin dans les Alpes puis Port-Tarascon en 1890. Pour mesurer toute l'étendue de cette œuvre littéraire universelle, il est utile de vous proposer le 3ème et 4ème chapitres de l'ouvrage, entâmé même sur les hauteurs du Zaccar qui à trait à la vallée du Cheliff.
A Milianah, Tartarin de Tarascon descendit, laissant la diligence continuer sa route vers le Sud.
Deux jours de durs cahots, deux nuits passées les yeux ouverts à regarder par la portière s'il n'apercevait pas dans les champs, au bord de la route, l'ombre formidable du lion, tant d'insomnies méritaient bien quelques heures de repos. Et puis, s'il faut tout dire, depuis sa mésaventure avec Bombonnel, le loyal Tarasconnais se sentait mal à l'aise, malgré ses armes, sa moue terrible, son bonnet rouge, devant le photographe d'Orléansville
et les deux demoiselles du 3e hussards. Il se dirigea donc à travers les larges rues de Milianah, pleines de beaux arbres et de fontaines
; mais tout en cherchant un hôtel
à sa convenance, le pauvre homme ne pouvait s'empêcher de songer aux paroles de Bombonnel... Si c'était vrai pourtant ? S'il n'y avait plus de lions en Algérie ?... A quoi bon alors tant de courses, tant de fatigues ?...
Soudain, au détour d'une rue, notre héros se trouva face à face... Avec qui ? Devinez... Avec un lion superbe, qui attendait devant la porte d'un café, assis royalement sur son train de derrière, sa crinière fauve au soleil.
" Qu'est-ce qu'ils me disaient donc, qu'il n'y en avait plus ?" s'écria le Tarasconnais en faisant un saut en arrière...
En entendant cette exclamation, le lion baissa la tête et, prenant dans sa gueule une sébile en bois posée devant lui sur le trottoir, il la tendit humblement du côté de Tartarin immobile de stupeur... Un arabe qui passait jeta un gros sou dans la sébile; le lion remua la queue... Alors Tartarin comprit tout. Il vit, ce que l'émotion l'avait empêché de voir d'abord, la foule attroupée autour du brave lion aveugle et apprivoisé, et les deux grands nègres armés de gourdins qui le promenaient à travers la ville comme un Savoyard sa marmotte.
Le sang du Tarasconnais ne fit qu'un tour : "Misérables, cria-t-il d'une voix de tonnerre, ravaler ainsi ces nobles bêtes ! " Et, s'élançant sur le lion, il lui arracha l'immonde sébile d'entre ses royales mâchoires... Les deux nègres, croyant avoir affaire à un voleur, se précipitèrent sur le Tarasconnais, la matraque haute... Ce fut une terrible bousculade... Les nègres tapaient, les femmes piaillaient, les enfants riaient. Un vieux cordonnier juif criait du fond de sa boutique : " Au zouge de paix ! Au zouge de paix ! " Le lion lui-même, dans sa nuit, essaya d'un rugissement, et le malheureux Tartarin, après une lutte désespérée, roula par terre au milieu des gros sous et des balayures.
A ce moment, un homme fendit la foule, écarta les nègres d'un mot, les femmes et les enfants d'un geste, releva Tartarin, le brossa, le secoua, et l'assit tout essoufflé sur une borne.
- Comment ! Prince, c'est vous ?... Fit le bon Tartarin en se frottant les côtes.
- Eh ! Oui, mon vaillant ami, c'est moi... Sitôt votre lettre reçue, j'ai confié Baïa à son frère, loué une chaise de poste, fait cinquante lieues ventre à terre, et me voila juste à temps pour vous arracher à la brutalité de ces rustres... Qu'est-ce que vous avez donc fait, juste Dieu ! Pour vous attirer cette méchante affaire ?
- Que voulez-vous, Prince ?... De voir ce malheureux lion avec sa sébile aux dents, humilié, vaincu, bafoué, servant de risée à toute cette pouillerie musulmane.
- Mais vous vous trompez, mon noble ami. Ce lion est, au contraire, pour eux un objet de respect et d'adoration. C'est une bête sacrée, qui fait partie d'un grand couvent de lions, fondé, il y a trois cents ans, par Mahommed-benaouda, une espèce de Trappe formidable et farouche, pleine de rugissements et d'odeurs de fauve, où des moines singuliers élèvent et apprivoisent des lions par centaines et les envoient de là dans toute l'Afrique septentrionale, accompagnés de frères quêteurs. Les dons que reçoivent les frères servent à l'entretien du couvent et de sa mosquée ; et si les deux nègres ont montré tant d'humeur tout à l'heure, c'est qu'ils ont la conviction que pour un sou, un seul sou de la quête, volé ou perdu par leur faute, le lion qu'ils conduisent les dévorerait immédiatement. En écoutant ce récit invraisemblable et pourtant véridique, Tartarin de Tarascon se délectait et reniflait l'air bruyamment.
- Ce qui me va dans tout ceci, fit-il en manière de conclusion, c'est que, n'en déplaise à mon Bombonnel, il y a encore des lions en Algérie !...
- S'il y en a ! dit le prince avec enthousiasme... Dès demain, nous allons battre la plaine du Chéliff, et vous verrez !
- Eh quoi ! Prince... Auriez-vous l'intention de chasser vous aussi ?
- Parbleu ! Pensez-vous donc que je vous laisserais vous en aller en pleine Afrique, au milieu de ces tribus féroces dont vous ignorez la langue et les usages... Non ! Non ! Illustre Tartarin, je ne vous quitte plus... Partout où vous serez, je veux être.
- Oh ! Prince, Prince...
Et Tartarin, radieux, pressa sur son coeur le vaillant Grégory, en songeant avec fierté qu'à l'exemple de Jules Gérard, de Bombonnel et tous les autres fameux tueurs de lions, il allait avoir un prince étranger pour l'accompagner dans ses chasses.
Le lendemain, dès la première heure, l'intrépide Tartarin et le non moins intrépide prince Grégory, suivis d'une demi douzaine de portefaix nègres, sortaient de Milianah et descendaient vers la plaine du Chéliff par un raidillon délicieux tout ombragé de jasmins, de tuyas, de caroubiers, d'oliviers sauvages, entre deux haies de petits jardins indigènes et des milliers de joyeuses sources vives qui dégringolaient de roche en roche en chantant... Un paysage du Liban. Aussi chargé d'armes que le grand Tartarin, le prince Grégory s'était en plus affublé d'un magnifique et singulier képi tout galonné d'or, avec une garniture de feuilles de chêne brodées au fil d'argent, qui donnait à Son Altesse un faux air de général mexicain, ou de chef de gare des bords du Danube.
Ce diable de képi intriguait beaucoup le Tarasconnais ; et comme il demandait timidement quelques explications :
"Coiffure indispensable pour voyager en Afrique", répondit le prince avec gravité ; et tout en faisant reluire sa visière d'un revers de manche, il renseigna son naïf compagnon sur le rôle important que joue le képi dans nos relations avec les arabes, la terreur que cet insigne a, seul, le privilège de leur inspirer, si bien que l'administration civile a été obligée de coiffer tout son monde avec des képis, depuis le cantonnier jusqu'au receveur de l'enregistrement. En somme pour gouverner l'Algérie - c'est toujours le prince qui parle - point n'est besoin d'une forte tête, ni même de tête du tout. Il suffit d'un képi, d'un beau képi galonné reluisant au bout d'une trique comme la toque de Gessler.
Ainsi causant et philosophant, la caravane allait son train. Les portefaix - pieds nus - sautaient de roche en roche avec des cris de singes. Les caisses d'armes sonnaient. Les fusils flambaient. Les indigènes qui passaient s'inclinaient jusqu'à terre devant le képi magique... Là-haut, sur les remparts de Milianah, le chef du bureau arabe, qui se promenait au bon frais avec sa dame, entendant ces bruits insolites et voyant des armes luire entre les branches, crut à un coup de main, fit baisser le pont-levis, battre la générale, et mit incontinent la ville en état de siège.
Beau début pour la caravane ! Malheureusement, avant la fin du jour, les choses se gâtèrent. Des nègres qui portaient les bagages, l'un fut pris d'atroces coliques pour avoir mangé le sparadrap de la pharmacie. Un autre tomba sur le bord de la route ivre mort d'eau-de-vie camphrée. Le troisième, celui qui portait l'album de voyage, séduit par les dorures des fermoirs, et persuadé qu'il enlevait les trésors de la Mecque, se sauva dans le Zaccar à toutes jambes... Il fallut aviser... La caravane fit halte, et tint conseil dans l'ombre trouée d'un vieux figuier.
- Je serais d'avis, dit le prince, en essayant, mais sans succès, de délayer une tablette de pemmican dans une casserole perfectionnée à triple fond, je serais d'avis que, ce soir, nous renoncions aux porteurs nègres... Il y a précisément un marché arabe tout près d'ici. Le mieux est de nous y arrêter, et de faire emplette de quelques bourriquots...
- Non !... Non !... Pas de bourriquots !... Interrompit vivement le grand Tartarin, que le souvenir de Noiraud avait fait devenir tout rouge.
Et il ajouta, l'hypocrite :
- Comment voulez-vous que de si petites bêtes puissent porter tout notre attirail ? Le prince sourit.
- C'est ce qui vous trompe, mon illustre ami. Si maigre et si chétif qu'il vous paraisse, le bourriquot algérien a les reins solides... Il le faut bien pour supporter tout ce qu'il supporte... Demandez plutôt aux arabes. Voici comment ils expliquent notre organisation coloniale... En haut, disent-ils, il y a mouci le gouverneur, avec une grande trique, qui tape sur l'état-major ; l'état-major, pour se venger, tape sur le soldat ; le soldat tape sur le colon, le colon tape sur l'arabe, l'arabe tape sur le nègre, le nègre tape sur le juif, le juif à son tour tape sur le bourriquot ; et le pauvre petit bourriquot n'ayant personne sur qui taper, tend l'échine et porte tout. Vous voyez bien qu'il peut porter vos caisses.
- C'est égal, reprit Tartarin de Tarascon, je trouve que, pour le coup d'oeil de notre caravane, des ânes ne feraient pas très bien... Je voudrais quelque chose de plus oriental... Ainsi, par exemple, si nous pouvions avoir un chameau...
- Tant que vous en voudrez, fit l'altesse.
Et l'on se mit en route pour le marché arabe. Le marché se tenait a quelques kilomètres, sur les bords du Chéliff... Il y avait la cinq ou six mille arabes en guenilles, grouillant au soleil, et trafiquant bruyamment au milieu des jarres d'olives noires, des pots de miel, des sacs d'épices et de cigares en gros tas ; de grands feux où rôtissaient des moutons entiers, ruisselant de beurre, des boucheries en plein air, où des nègres tout nus, les pieds dans le sang, les bras rouges, dépeçaient, avec de petits couteaux, des chevreaux à une perche. Dans un coin, sous une tente rapetassée de mille couleurs, un greffier maure, avec un grand livre
et des lunettes. Ici, un groupe, des cris de rage
: c'est un jeu de roulette, installé sur une mesure a blé, et des Kabyles qui s'éventrent autour... Là-bas, des trépignements, une joie, des rires : c'est un marchand juif avec sa mule, qu'on regarde se noyer dans le Chéliff... Puis des scorpions, des chiens, des corbeaux ; et des mouches !... Des mouches !...
Par exemple, les chameaux manquaient. On finit pourtant par en découvrir un, dont des Mozabites cherchaient à se défaire. C'était le vrai chameau du désert, le chameau classique, chauve, l'air triste, avec sa longue tête de bédouin et sa bosse qui, devenue flasque par suite de trop longs jeûnes, pendait mélancoliquement sur le côté. Tartarin le trouva si beau, qu'il voulut que la caravane entière montât dessus... Toujours la folie orientale !...
La bête s'accroupit. On sangla les malles. Le prince s'installa sur le cou de l'animal. Tartarin, pour plus de majesté, se fit hisser tout en haut de la bosse, entre deux caisses ; et la, fier et bien calé, saluant d'un geste noble tout le marché accouru, il donna le signal du départ... Tonnerre ! Si ceux de Tarascon avaient pu le voir !... Le chameau se redressa, allongea ses grandes jambes à noeuds, et prit son vol...
O stupeur ! Au bout de quelques enjambées, voila Tartarin qui se sent pâlir, et l'héroïque chéchia qui reprend une à une ses anciennes positions du temps du Zouave. Ce diable de chameau tanguait comme une frégate.
" Prince, prince, murmura Tartarin tout blême, et s'accrochant à l'étoupe sèche de la bosse, prince, descendons... Je sens... je sens... Que je vais faire bafouer la France..."
Va te promener ! Le chameau était lancé, et rien ne pouvait plus l'arrêter. Quatre mille arabes couraient derrière, pieds nus, gesticulant, riant comme des fous, et faisant luire au soleil six cent mille dents blanches... Le grand homme de Tarascon dut se résigner. Il s'affaissa tristement sur la bosse. La chéchia prit toutes les positions qu'elle voulut... Et la France fut bafouée.
Le 21, l’Empereur a entendu la messe à huit heures, et, à la suite de la messe, Sa Majesté est montée en voiture pour se rendre à Relizane
Il était une heure de l'après-midi, lorsque l'Empereur est arrivé à Relizane (1), charmante petite ville qui a surgi, depuis quelques années, dans la plaine de la Basse-Mina ; la population faisait entendre sur son passage les plus vives acclamations. Les fenêtres étaient pavoisées; un arc de triomphe avait été dressé à l’entrée de la ville, où Sa Majesté était attendue par les autorités et les principaux habitants.
Arrivée sous l'arc de triomphe, Sa Majesté, après avoir salué la population qui se pressait autour d'Elle, aux cris de Vive l'Empereur! Vive 1'Impératriee! Vive le Prince Impérial! a été complimentée par M. Silvestre, commissaire civil du district.
Quelques instants après, Mlle Migette, fille de l'un des plus anciens colons de la province, s'étant avancée avec deux de ses compagnes, Mlles Carriol et Allègre, a dit à l'Empereur, en lui présentant du coton :
« SIRE, L'arrivée de Votre Majesté parmi nous, nous comble de joie et de bonheur." Qu'Elle daigne permettre 'aux filles des cultivateurs de Relizane, de déposer à ses pieds, les fruits des labeurs de leurs pères, et les vœux qu'elles forment avec eux, pour que Dieu ne cesse de protéger Votre Majesté, leur douce et gracieuse Souveraine, el le Prince Impérial objet de l'amour et des espérances de tous. »
Ces simples paroles, ont été écoutées avec bienveillance par Sa Majesté; et les trois jeunes filles lui ont présenté, l'une des fleurs, l'autre du lin et la troisième du coton. L'Empereur a dit des mots agréables à chacune d'elles, et, après avoir touché en connaisseur l'échantillon de coton, il a ajouté : « C'est du longue-soie) il est vraiment magnifique.»
L'Empereur s'est ensuite rendu sur le plateau de Relizane.
« Un spectacle inattendu, dit le Moniteur Universel du Soir, l'attendait à son arrivée. La grande tribu des Flittas entoura la voiture impériale et la sépara complètement de l'escorte, puis se précipita jusque sous les roues de la calèche, en poussant des cris d'abord incompréhensibles. Ce spectacle était réellement émouvant, car la tribu récemment soumise réunissait près de quinze cents fusils. Les Flittas imploraient la grâce de leurs coreligionnaires internés en France, à la suite des derniers troubles. La scène était touchante; des vieillards, des femmes, des enfants entouraient le Souverain dans les attitudes les plus humbles. Dans leur langage pittoresque de l'Orient, ils protestaient de leur dévouement futur, s'offrant comme otages de la parole donnée. L'Empereur, visiblement ému par cette scène de désolation, daigna accorder les grâces qui lui étaient demandées par toute une population. Je ne chercherai pas à vous décrire l'enthousiasme qui éclata, lorsque les paroles de pardon tombèrent de la bouche impériale. C'est au milieu d'une ovation qui atteignait le délire, que l'Empereur arriva à Relizane. Sa Majesté, après avoir visité minutieusement les magnifiques cultures des colons de Relizane et examiné le barrage établi sur la Mina, rentra à six heures à Mostaganem, où Elle fut accueillie par les vivats de la population qui s'était accrue dans la journée de toutes celles des villages parcourus la veille. »
L'Empereur était de retour à Mostaganem vers six heures du soir, et recevait à sa table plusieurs hauts fonctionnaires et un certain nombre de notabilités indigènes.
A mesure que l'on se rapprochait de Miliana
Chemin faisant, il a daigné décorer, en présence d’un grand nombre d’indigènes, le caïd Tahar, ancien officier de spahis, dont il a voulu récompenser ainsi les anciens services et la fidélité.
A la hauteur de Vesoul-Benian (1), la route dans les capricieux méandres qu’elle décrit à travers ravins et montagnes, laisse sur sa droite ce village pittoresque, aux blanches maisons, entourées de belles plantations, et si coquettement accrochées au flanc d’un large mamelon, dont le regard aperçoit de loin la luxuriante végétation.
Vesoul Benian, dont les habitants s'adonnent avec un succès remarquable à la culture de la vigne, à la production des céréales et à l'élève du bétail, représente, sur une échelle restreinte, la réalisation pratique d'une idée déjà ancienne, et qu'on a voulu systématiser, celle des villages départementaux. Les habitants, qui, on le sait, empruntent leur nom au chef-lieu du département dont ils sont originaires, étaient tous accourus sur la roule, où ils avaient dressé un arc de triomphe d'un caractère rustique, mais dont la décoration ne laissait rien à désirer, sous le rapport du bon goût.
A peine arrivée parmi eux et saluée avec enthousiasme des cris de Vive l’Empereur ! Vive l'Impératrice ! Vive le Prince Impérial ! Sa Majesté a daigné s'entretenir de leurs intérêts et de leurs besoins avec les autorités municipales ; puis, après avoir reçu de leurs mains quelques pétitions, Elle a repris sa route, suivie de leurs acclamations, et elle arrivait vers 5 heures ½ du soir, à Miliana
« S'endormant à leur frais murmure, Suspendue, an loin dans les airs, « Sur des abîmes de verdure, « Comme un cap sur les vastes mers… »
Plusieurs arcs de triomphe avaient été dressés, par les soins de la municipalité, pour rendre hommage au Souverain dont la visite était si impatiemment attendue.
Tous les habitants de Miliana
M. Martin, Maire de Miliana
«En vous remettant clefs de la ville, je me sens saisi d’un sentiment de fierté, dont le souvenir restera à jamais fixé dans ma mémoire.
«Vous avez parcouru nos contrées, Sire, et vos regards se sont reposés sur des vallées dont la végétation, d’une richesse presque sans égale, laisse encore les terres, en trop grande quantité, étrangères à la culture, et principalement à la culture industrielle; mais bientôt, lorsque les chemins de fer; dont Votre Majesté a doté l'Algérie, sillonneront notre beau pays, tout changera d'aspect comme par enchantement ; alors les capitalistes n'hésiteront plus à envoyer leurs fonds, les bras qui nous manquent, viendront faire surgir, du sein fécond de nos terres, les riches trésors qui y sont encore enfouis.
« Le voyage de Votre Auguste Majesté, Sire, que nous n’avons jusqu’ici envisagé que comme un rêve, vient de réaliser notre vœu le plus cher, en ranimant notre courage.
« Les Egyptiens disaient : « Napoléon 1er est l’élu de Dieu sur la terre » - Nous, Sire, nous ajouterons : « Napoléon III est notre providence. ». Vive l'Empereur ! Vive l'Impératrice ! Vive le Prince Impérial!
L'Empereur s'est ensuite rendu à l'hôtel
Au moment où il arrivait en face de l’arc de Triomphe érigé sur la place principale la ville, un groupe de femmes israélites, mêlées à la foule, et revêtues de leur riche costume du brocard, plastronné d'or, ont joint la note aiguë de leur youyou admiratif, au concert d'acclamations qui s'échappait de tous les rangs.
La réception des autorités civiles et militaires a eu lieu immédiatement à l’hôtel de la subdivision. Sa Majesté, en recevant la communauté israélite a daigné entendre de la bouche de M. Moatti, un discours dans lequel se trouvait formulé un vœu relatif à la question de la naturalisation des israélites indigènes.
L’Empereur a ensuite parcouru les principales rues de la ville, et, après avoir visité le délicieux jardin du Cercle, Il est descendu jusqu'aux remparts, d'où il a vu se dérouler, sous ses yeux, le splendide panorama des jardins de la banlieue et de cette immense plaine du Chélif, dont la continuation du chemin de fer est appelée à décupler bientôt la production, déjà si considérable.
Le soir, la ville entière était brillamment illuminée; le jardin du Cercle, notamment, présentait un coup d'œil féerique, et un feu d'artifice, tiré par t'artillerie, venait ajouter a l'éclat de cette soirée qui laissera, dans tous les esprits, une vive et durable impression.
Une cantate de circonstance (3) a été chantée sous le balcon de Sa Majesté et a été terminée aux cris répétés de Vive l'Empereur ! Vive l’Impératrice! Vive le Prince Impérial !
Le lendemain, à huit heures, I'Empereur, après avoir daigné recevoir un grand nombre de pétitions qui lui étaient remises, principalement par les indigènes accourus en foule pour le voir, a repris la route, où il faisait sa rentrée le même jour à cinq heures.
Avant de quitter Miliana
« Votre ville est charmante, et certainement, a-t-Elle ajouté en terminant, Je reviendrai la visiter. »
Puis, Sa Majesté a remis au Maire un billet de banque de 1,000 francs, en lui disant : « Prenez ceci pour la Société
Après son départ de S. M. l'Empereur de Miliana
« Chers Concitoyens.
« Notre plus beau désir s'est réalisé: Sa Majesté l'Empereur est venu visiter nos contrées, et ses impressions, je puis le dire, ont été des plus favorables pour notre riche et fertile sol. Aussi, en quittant notre ville, m'a-t-il chargé de vous témoigner sa satisfaction de la réception que vous Luis avez faite, et son intention de s'occuper des intérêts de Miliana
« Nous étions déjà dévoués par conviction à la dynastie de notre Souverain; aujourd'hui, nous le serons encore davantage, par le sentiment de la plus vive reconnaissance.
« Répétons-donc, comme nous l'avons déjà fait mille et mille fois pendant le trop court séjour de Sa Majesté à Miliana
« Vive t'Empereur !!! Vive l'Impératrice !!! Vive le Prince Impérial !!! »
L’empereur Napoléon III à Miliana
________________________
Voyage de S.M Napoléon III en Algérie - Alger, Bastide,
Libraire Editeur - Juillet 1865 - pp. 82 à 90 -
Dimanche 07 mai 1865 - 5heures ½ du soir .
, à la population européenne, plus clair-semée, venaient s'ajouter des flots plus pressés d'Arabes, auxquels l’Empereur a prodigué ces mêmes marques d’intérêts qui ont rendu son nom si cher à nos populations de toute origine.
(2), - Miliana
, la ville aux mille ruisseaux, » que Marie Lefèvre, le poète de l'Algérie, nous représente
et de la banlieue, parmi lesquels les indigènes comptent à peu près pour les deux tiers, s'étaient donné rendez-vous aux portes de la ville. L'arrivée de l'Empereur a été saluée par une immense acclamation, dont les échos du Zakkar ont longtemps retenti.
, entouré de son Conseil municipal, a complimenté sa Majesté en ces termes : SIRE,
de la subdivision, accompagné des vivats enthousiastes des Européens et des Indigènes qui se pressaient sur ses pas.
, Sa Majesté a fait appeler M. le Maire et la prié d'être, auprès de la population, l'interprète de sa satisfaction pour le bon accueil qu'Elle en a reçu.
de Secours mutuels, c'est la meilleure manière de donner aux pauvres. »
, le maire de cette ville a fait publier la proclamation suivante :
.
.
Le Maire de Miliana
« MARTIN»
NOTES:
-ndl -). - Chef-lieu de commune, à 97 kilomètres d’Alger et 20 kilomètres de Miliana
, comptait environ 250 habitants, tous originaires du département de la Haute-Saône. La culture de la vigne et des céréales, et l'élève du bétail ont enrichi, ou tout au moins placé dans l'aisance, la plupart des habitants de Vesoul-Benian. La création de ce centre constitue l'essai le plus sérieux qui ait été fait du système dit des Villages départementaux. Bou-Medfa, village annexe de Vesoul-Benian, compte 220 habitants.
- Chef-lieu d'arrondissement et de subdivision militaire, à 120 kilomètres d’Alger. - Population européenne, 1,500 ; indigènes 1,350. - A 900 mètres au dessus du niveau de la mer, le sommet du Zakkar domine la ville de 600 mètres. Miliana
est ville à la physionomie toute française, ombragée de magnifiques plantations de platanes et de peupliers, sillonnée d’eaux courantes qui entretiennent partout la fraîcheur et une abondante végétation. La banlieue offre de délicieuses promenades, égayées par de nombreuses cascades. - Cultures variées, jardins maraîchers, arbres fruitiers de toute nature; industries florissantes, spécialement la minoterie ; gisements miniers d'une grande importance. De Miliana
même, on jouit d'une vue panoramique admirable. La plaine fertile du Chélif s'ouvre à quelques kilomètres de la ville. A 24 kilomètres de Miliana
, se trouvent les eaux minérales et thermales de Hammam-Rira (Acqua calida des Romains), dont les qualités bienfaisantes, dans une foule d'affections, sont justement renommées.
21 septembre. L:impératrice Elisabeth d'Autriche fait une escale à Oran.Cette femme - l'une des plus belles d'Europe - veut oublier la mort de son fils: le prince héritier Rodolphe.
Depuis, l'impératrice, inconsolable, voyage à "en perdre la raison ". Elle se lance dans ce qu'elle appelle " le vol
A Oran, le programme est identique à celui qu'elle vient d'accomplir à Tanger. Chaque matin, 1 heure de gymnastique. Sous un soleil de plomb, elle reprend également ses promenades " marathons " : près de 8 heures de marche par jour à travers la ville, accompagnée de quelques dames et du chambellan, le baron Nopesa. La comtesse Festetics, dont la fragilité augmente avec l'age, est épuisée. Les visites n'en finissent plus : promenade du général Letang, mosquée du Pacha...A 53 ans, l'impératrice, passionnée par I'Antiquité, parvient sans peine à arpenter les vestiges archéologiques de la région d'Oran.
Son moral semble meilleur. Les heures d'amertume se font plus rares. Et pourtant, elle porte toujours le noir du deuil. Et, il y a "ses symptôme"... spécifiques à ce qu'on ne nomme pas encore l'anorexie. Un régime draconien qui lui impose de se contenter de 6 verres de lait par jour. Résultat : l'impératrice pèse 48 kg !
Reste aussi son inconstance. Le 25 septembre, Ic yacht quitte la rade d'Oran. La mer est mauvaise L'équipage est obligé de se réfugier à Ténès1890
Elle est arrivée incognito. Elles ne voyage pas sous le nom de comtesse de Hohenembs, mais sous celui de Mrs j\1r, Nicolson. Son yacht, le Chazalie, a accosté à quelques mètres du port d'Oran. Une petite embarcation la débarquera à l'écart. Direction ? Peut-être le célèbre hôtel
splendide. Mot d'ordre : la nouvelle de sa venue ne doit pas se répandre dans le pays. Elisabeth, impératrice d'Autriche, ne veut parler à personne. Son cœur est " abîmé " et le restera longtemps. Son unique fils, le prince. Rodolphe, héritier des Habshourg est mort. Il s'est suicidé à Mayerling avec sa maîtresse, la baronne Marie Versera, le 30 janvier 1889.
de la mouette ". Ainsi il faut qu'elle s'en aille, loin, sur la mer. Quitter…Fuir Vienne pour une longue croisière à travers l'Europe et la Méditerranée. C'est la première fois que ses pérégrinations la conduisent en Algérie.
, à 200 km d'Alger. Peut-être l'occasion pour l'impératrice de visiter cette ville fondée par les Phéniciens au VIIIe siècle avant J.-C ? Mais Elisabeth ne sait pas se fixer. A peine arrivée à Alger, elle repart. Le baron Nopesa se plaint de " la bougeotte de Sa Majesté […] " " Dieu sait où cela nous mènera" conclut-il.