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Duel à Alger - Paul Robert abattu

Mort de M. Paul Robert

M. Paul Robert (43 ans), maire d'Orléansville depuis 1904, candidat républicain aux élections législatives de 1910. M. Houbé, directeur du journal "le Cri d'Alger", également candidat de la Dépêche Algérienne, cibla son adversaire, dans un article offensant paru dans son journal, en le traitant de spoliateur, corrompu et autres termes plus viriles. M.Robert, invita le journaliste à une rétractation ou une réparation par les armes.

Procès-verbaux

M.Robert s'étant jugé offensé par un article paru dans le "Cri d'Alger" du mercredi 06 avril courant, a chargé M.Grégoire et M.Lebailly, de demander à M.Houbé, directeur de ce journal, une rétractation ou une réparation par les armes.

M.Houbé a constitué comme témoins M.Gobel et M.Tedeschi, avocats. Ces derniers ont déclaré que leur mandant refusait toute rétractation; dans ces conditions une rencontre a été jugée inévitable. La qualité d'offensé a été reconnue à M. Robert. L'arme choisie est le pistolet de combat. Une balle sera échangée à 25 pas.

La rencontre aura lieu demain, 7 avril à 7h.½ du matin aux environs d'Alger.

Fait à Alger, le 06 avril 1910.

Pour M. Robert : M.Lebailly et M.Grégoire, Conseilleurs Généraux,
Pour M. Houbé : M.Gobel, Conseiller Général et M.Tedeschi, avocat à la cour.


Aujourd'hui, 7 avril, conformément aux conditions du procès verbal en date d'hier, la rencontre a eu lieu à 7 h ½, aux dunes d'Hussein-Dey. De commun accord, M.Tédeschi Paul, avocat a été désigné pour diriger le combat. Il a été procédé au tirage au sort des armes fournies par M. Guérin, armurier à Alger. Le sort ayant favorisé M.Robert, ses témoins ont choisi pour lui l'une des deux boites. Puis sur l'invitation des témoins, M.Guérin a chargé, lui même les armes en leur présence. Il a été, à nouveau, procédé au tirage au sort des deux pistolets. Le sort a favorisé M. Houbé.

Le terrain préalablement mesuré par M.Lebailly, et la distance de 25 pas ayant été constatée par tous les témoins, il a été procédé au tirage au sort des places. Le sort a favorisé M.Houbé. Les conditions du combat ont été à nouveau rappelées et précisées par les témoins à leurs clients respectifs. Les adversaires ont été placés et les armes à eux remises par M.Guérin, armurier.

Les adversaires étant en présence, le pistolet levé, M.Tedeschi, directeur du combat, prononce à haute voix, le commandement : "Attention ! Feu !" un, deux, trois, en frappant rapidement dans ses mains, conformément aux conditions débattues et précisées par les témoins.

Après le commandement de feu, et à l'instant du commandement "un" M.Houbé abaissait vivement son arme et faisait feu. Au même moment M.Robert, qui avait abaissé son arme sans avoir tiré, s'affaissait. Les docteurs M.Séguy et M.Bernasconi, intervenant aussitôt, constatèrent une blessure consistant en une plaie pénétrante de l'abdomen.

Fait en double à Alger le 7 Avril 1910.

Pour M.Robert : M.Lebailly et M.Grégoire, Conseilleurs Généraux
Pour M. Houbé : M.Gobel, Conseiller Général et P.Tedeschi, avocat à la Cour.


Quand M.Robert s'affaissa, les quatre témoins et les deux médecins se précipitèrent vers lui durant (sic) que M.Houbé regnagnait son automobile.

La balle pénétrant à la cuisse droite au pli de l'aiue? (mot illisible - dans le texte original) avait traversé les intestins et était ressortie par le flan gauche; elle fut retrouvée dans les vêtements. M.Robert avait perdu connaissance.

Les médecins jugèrent tout de suite la blessure mortelle; ils décidèrent pourtant de tenter l'opération de la laparotomie dans une clinique. M. Robert fut transporté dans son automobile, mais durant le trajet, il expira.


Les Obsèques à Alger

Par une association d'idées compréhensibles, la démonstration que furent, vendredi, les obsèques de Paul Robert, évoqua, dans bien des esprits, le souvenir de l'inoubliable convoi de Cat. Depuis cette époque, jamais on n'avait vu stationner ou passer en ville foule plus recueillie, plus émue, plus désireuse….(suite illisible), qu'on appréciait tant chez Paul Robert qui donna à ses obsèques, le caractère imposant qu'elles ont eu.

Dès trois heures de l'après-midi, les abords de la maison portant le n° 18 de la rue Tirman, à l'Agha, sont envahis par tout ce qu'Alger compte d'autorité et de notabilités. On remarque beaucoup de femmes.

Les registres placés à l'entrée de la maison mortuaire se couvrent de signatures. Sur tous les visages se lit une émotion qui augmente encore lorsqu'on place dans le corbillard le corps, hier encore robuste de Paul Robert. La foule, à ce moment est à ce point compacte que l'ordonnateur parvient avec peine à faire partir le convoi qui, sur le parcours de la rue Tirman à la gare d'Alger, sera encadré d'une double haie de femmes et d'hommes consternés.


Le convoi

En tête du convoi marchent deux voitures bandées de couronnes et de fleurs. Viennent ensuite, portées à mains, plusieurs couronnes, parmi lesquelles, celles de la population d'Oued-Fodda, celle de la ville de Miliana, celle des membres de la cultuelle israélite d'Orléansville, celle des amis de Blida, celle de l'amicale des contributions directes, celle de la Société des Hauts-Alpins d'Alger, celle de l'Union Dauphinoise d'Alger, celle du Conseil Général d'Alger, celle du Comité de Patronage des Aveugles, celle de la Fédération Départementale d'action Républicaine et Sociale, celle de l'Association de la Presse Républicaine Radicale et Radicale-Socialiste, celles des Comités d'Alger-Centre, Union Démocratique de Belcourt, Union Démocratique de Bab-el-Oued, Comité d'Action Républicaine et Sociale du Plateau-Saulière, Solidarité Républicaine des Tournants de Rovigo, Comité Marine-Préfecture, Comité d'Isly-Bugeaud celle des Nouvelles, etc…

Après le corbillard, la famille au premier rang de laquelle M.Martial Robert, fils du défunt et Joseph Robert son frère. Aussitôt après, trois draps, les cordons du premier sont tenus par M.Coste, procureur général, Bertrand, président de la délégation financière des colons, Firbach, sous-préfet de Tizi-Ouzou, Giraud, délégué financier, Robert, avoué à Alger, délégué financier et Luciani, conseiller de Gouvernement.

Au second poèle, Messieurs Colomniès, Vérola, Saliège, Martin, conseillers généraux et Richard, maire de Médéa. Le drap des anciens élèves du Lycée d'Alger est porté par M.Legendre, premier adjoint au Maire, Basset, conseiller municipal, D'apreval, avoué à Blida et Robinet.

En tête des personnalités, M.Jonnart, gouverneur général de l'Algérie qui venait de quitter le mariage de son neveu pour rejoindre le cortège qu'il atteignit place Bugeaud, M.Verne, Préfet d'Alger et Varnier, Secrétaire général du gouvernement général. M.le docteur Paul Gérente sénateur d'Alger, Président du Conseil général, Colin député d'Alger. M.Dubief, chef de cabinet du Gouvernement général. Salmon, secrétaire général de la préfecture, Aymes, délégué financier, Légey, Nivet, Muller, Lefebvre, Chaffard, Rey, Carbonel, Broussais, Granier, Dant Mauguin, de nombreux conseillers municipaux, etc....

Le cortège parcourt la rue Tirman, gagne la rue Michelet, suit la rue d'Isly, la rue Dumont d'Urville, la place….(suite illisible), la rue Littré, le Boulevard de la République et par la rampe Chasseloup-Laubat, gagne la gare d'Alger.


Arrivée à la gare

Le convoi arrive toujours imposant à la gare d'Alger. Les rampes du Boulevard sont bondées de monde, et sur la chaussée le cortège à peine a avancé, une foule nombreuse se presse auprès de la gare et tout particulièrement près du fourgon où, dans quelques instants sera déposé le corps de Paul Robert.

La famille, dont la douleur est poignante reçoit les condoléances des amis. C'est M.Jonnart qui apporte le premier, à M.Joseph Robert et au fils de Paul Robert, des paroles de regrets, de consolation. Puis tous ceux qui peuvent se faire au prix de mille difficultés, un passage jusqu'à l'endroit où se tient la famille, donnent aux parents de Paul Robert avec une émotion qu'ils sont incapables de contenir, des témoignages d'estime, de sympathie et d'affection.

Estime, sympathie et affection respectueuse qu'imposent à tous le souvenir inéffaçable de l'homme de bien qui….(illisible) que dans sa mort eut un geste de bonté du citoyen aimé, auquel Alger a fait Vendredi, démonstration significative des obsèques imposantes…


Les Obsèques à Orléansville

Les obsèques civiles de M.Paul Robert, ont eu lieu avec le concours de toute la population française et indigène de la ville et des environs qui en dehors de toute préoccupation politique, a laissé éclater sans contrainte la peine que lui inspirait le terrible malheur dont était accablée une des familles algériennes les plus justement estimées.

Des affiches encadrées de V….(illisible) avaient été apposées en ville, invitants les commerçants à fermer les magasins au passage du cortège. Tous les édifices publics et de nombreuses demeures particulières avaient arboré des drapeaux cravatés de deuil. Dans les rues, magasins fermés, ….lets (illisible) clos, une foule aux visages…..bris (illisible), douloureux… dans tous les….(illisible) des larmes… de la colère aussi.

Plus de deux mille indigènes attendaient l'arrivée du train amenant d'Alger les délégations officielles, massés dans une rue avoisinant le domicile mortuaire. Ils observaient ainsi que la population européenne groupée, pour saluer la dépouille du défunt, une attitude faite de tristesse recueillie.

Du plus loin de la plaine du Chéliff, de la région de Miliana, du Sersou se sont accourus, les colons, pour un suprême hommage à celui qu'ils estimaient tant. Et tout à l'heure au passage du cortège… (illisible) entre deux… (illisible) épaisses d'indigènes, nous verrons couler des larmes jusqu'aux …ces…(illisibles) bronzés.


Le cortège

Au moment de la levée du corps, des gendarmes et la police, font … assistants (suite illisible) et le cortège imposant se met en marche

Le Progrès du jeudi 14 avril 1910

Cour d'assises

Alger - 26/27 novembre 1910

Vendredi et Samedi derniers ont comparu devant la Cour d'Assises d'Alger : M. Houbé, avocat, publiciste ; M. M. Lebailly et Grégoire, témoins de Paul Robert.

M.M. Gobel et Tédeschi, témoins de M. Houbé ; M. Gèrin, armurier à Alger, inculpés d’assassinat sur la personne de M. Paul Robert, le 07 avril dernier. Madame Veuve Paul Robert, agissant en son nom et au nom de ses enfants, s’était constituée partie civile par la voie de l’éminent avocat du barreau de Paris, Me Fernand Labori

Les débats furent élevés par Me Labori à une hauteur remarquable, et en défenseur de la famille Robert en acclamant aux jurés ni peine, ni argent, n’eut qu’un désir : «consacrer, par les débats, sans réserve la pure gloire du grand citoyen algérien qu’était Paul Robert ».

M.M. Houbé, Lebailly, Grégoire, Tédeschi, Gobel et Gérin ont étés acquittés. M. Houbé a été condamné à payer à la partie civile, un franc de dommages-intérêts et aux frais.

La Cour, vu les conclusions déposées par Me Labori au nom de la partie civile et celles de Me L’Admiral aux noms des témoins ;

Attendu que le verdict du Jury, déclarant Houbé non coupable, a enlevé au fait qui lui a été reproché son caractère de crime et délit, mais qu’en l’absence de motifs n’a pu prononcer sur la matérialité de ce fait lui-même ; que, dans ces conditions, le droit d’appréciation de la Cour demeure entier, quant à ses conséquences civiles ;

Attendu qu’il y a lieu d'examiner si ce même fait, dégagé de son caractère criminel, a, par les agissements de Houbé, occasionné à Mme veuve Robert, agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses enfants mineurs,un préjudice dont il lui est dû réparation en vertu de ce principe posé par l’article 1382 du code civil que, «tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » ;

Attendu qu'il résulte des débats, que c'est sur la demande formulée par Paul Robert, que Houbé a consenti à lui accorder la réparation q u’il désirait, c’est-à-dire se battre avec lui au pistolet ; que le 7 avril 1910, sur le champ des dunes d’Hussein-Dey, Robert à été tué d’une balle de pistolet par Houbé ;

Attendu que s’il est établi que le duel a eu lieu dans des conditions de loyauté et de correction absolues énoncées par les procés-verbaux des témoins, il n’en résulte pas moins que c’est par le fait de Houbé que Robert a été tué, que c’est ainsi par sa faute, car quelque qu’on ait du duel lui-même , rien ne l’obligeait à commettre une telle action ;

Attendu que le résultat du duel a causé un dommage certain Mme Robert, que la partie civile demande 1 franc à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'en ce qui concerne les témoins du duel et Gérin, cette action pourrait leur être intentée, mais qu’il faudrait tout au moins qu’ils aient consenti à la faute;

Attendu que cette faute n’est pas résultée des débats, que les divergences produites cotre les témoins et Gérin ne sauraient constituer des faits suffisants pour faire apprécier cette faute;

Par ces motifs,

Condamne Houbé à 1 franc de dommages-intérêt envers la partie civile ; déboute la partie civile en ce qui concerne sa demande vis-à-vis des témoins et de Gérin condamne Houbé à tous les dépens (sic) du procès.

Le Progrès n° 830 du jeudi 01-12-1910
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