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Trésor de Ténès

DELEGATION GENERALE DU GOUVERNEMENT EN ALGERIE SOUS DIRECTION DES BEAUX-ARTS

LE TRESOR DE TENES

Par Jacques Heurgon Professeur à la Sorbonne

Le 16 mars 1936, M.A. Barthès, Ingénieur du Service vicinal, rendait compte au Maire de Ténès, qui avisa bientôt la Direction des Antiquités, d’une trouvaille fortuite qui venait d’être faite par un de ses entrepreneurs, au cours des travaux de construction de la Maison-voyère de la ville.

Le lieu de la trouvaille a pu être précisé1. La Maison-voyère de Ténès donne sur la rue Leblond entre la rue Mala et la rue Oudinot. Le trésor a été découvert sous le hangar actuel, dans les fondations duquel on a dégagé un mur en maçonnerie de 0,50 m environ de largeur, soutenant une dalle en béton. Des briques provenant de l’édifice, et de dimensions très classique2, sont encore conservées dans ce hangar : une grande brique de dallage carrée de 0,58 m (bipedalis) (épaisseur : 0,07 m) ; 12 briques rectangulaires de 0,45 m (sesquipedalis) sur 0,22 m (bessalis) (épaisseur 0,03m), marquées avant cuisson ? Dans le sens de la longueur, de deux bordures de stries verticales reliées par deux diagonales ; 4 briques triangulaires de 0,45 m de base, 0,25 m de hauteur, 0,06 m d’épaisseur ; en outre 9 tuiles en forme de « bouteilles » (0,28 m de hauteur totale ; 0,20 m de hauteur pour le corps ; 0,08 m de diamètre), utilisées par emboîtement les unes dans les autres pour la construction de voûtes allégées3. A proximité, au nord, dans le jardin contigu de la Gendarmerie, on a reconnu l’emplacement d’une piscine. Ces éléments permettent de conclure que l’enfouissement a été fait dans une villa sise à l’intérieur des murs antiques et élevée en matériaux de bonne époque, vraisemblablement dans les thermes privés de cette villa. Le quartier était pourvu de belles résidences : à 250 m au nord, rue de l’Hôpital, on a trouvé une mosaïque représentant une scène de chasse4.

Louis Leschi, Directeur des Antiquités de l’Algérie, était intervenu aussitôt et, grâce à sa vigilance, on peut croire que rien d’essentiel ne s’est perdu. Sans doute le récipient, « un pot (ou terrine) en terre cuite rouge », qu’il eût été utile de pouvoir étudier, a-t-il tout de suite été jeté au rebut. Sans doute aussi, l’imagination et la malignité populaires ont-elles répandu le bruit que « des jarres » de pièces d’or étaient restées au mains des ouvriers. On parle même encore aujourd’hui, à Ténès, d’un « cheval d’or » qui aurait été trouvé en même temps et qui fait penser au « serpent d’or » qui, raconte-t-on à Tipasa, aurait été découvert près du Phare. Il est question aussi d’une bague qu’un commissaire de police se serait appropriée. Mais la correspondance de Leschi et de M. Barthès fait justice de toutes ses rumeurs : elle ne mentionne, comme ayant risqué d’être détournée, que l’une des croix suspendues au médaillon, celle du milieu. Quelqu’un avait cru pouvoir la garder pour la première communion de sa fille. Leschi, par une lettre du 16 mai, exprime à M. Barthès sa conviction « que le grand pendentif à tête de femme est certainement incomplet », et fait appel à son concours, « pour le cas où il y aurait moyen de le compléter ». Le 23 mai, M. Barthès répondit avec succès à cette demande : « La personne, écrivit-il en envoyant la petite croix, qui l’avait conservée comme souvenir, a déféré immédiatement à notre désir en se rendant compte, à la lecture de votre lettre, de l’intérêt archéologique que l’objet présentait, intérêt qui ne fait plus de doute quand on a vu la pièce, « Que M. Barthès soit remercié de son efficace intervention, car cette croix est, pour la date de l’enfouissement du trésor, d’une importance capitale. Mais de l’heureuse solution de ce cas particulier, et du silence de Leschi sur tout autre manque éventuel, il est permis de conclure que le trésor a été quasi intégralement sauvé1.

Leschi signala aussitôt la trouvaille dans son rapport adressé au Gouverneur Général de l’Algérie, rapport qui parut au début de 1937 dans la Revue Africaine2, et en commença aussitôt l’étude. De nombreuses notes manuscrites, une correspondance avec divers érudits dont nous avons trouvé dans le dossier d’intéressantes lettres de MM. G. Marçais et Ch. Saumagne, de précieuses fiches de M. L. Poinssot - prouve l’ardeur qu’il y apportait. Pendant la guerre en 1944, une conférence lui fournit l’occasion de présenter quelques-unes des conclusions auxquelles il était parvenu. Nous en reproduisons ici un extrait, que M. M. Leglay a eu la chance de retrouver en manuscrit, et l’amabilité de nous communiquer. Non seulement il atteste la sûreté de ses intuitions, et pose avec force les problèmes historiques que nous aurons à tenter de résoudre, mais il fait état, avec toute la précision compatible avec une conférence, de tombes chrétiennes qui, recouvertes depuis, échappent pour le moment à notre examen ; on jugera pourtant, comme il l'avait reconnu tout de suite, qu’elles sont de nature à projeter un peu de lumière sur les raisons de la présence à Ténès de ce trésor. Il s’agit des dernières découvertes archéologiques en Maurétanie.

« Ce sont tout d’abord des tombes chrétiennes à l’ouest de la ville, dans un cimetière groupé comme à Tipasa autour d’une église. De ces tombes, on n’a pu en dégager que cinq. Elles sont couvertes de mosaïques à figures et à inscriptions. Trois sont malheureusement très mutilées, mais deux sont bien lisibles. L’une est une épitaphe anonyme ; le nom du défunt ou de la défunte est remplacé par une feuille en forme de cœur avec deux rinceaux. Peut-être s’agit-il d’un jeu de mots, et de symbole remplacerait le nom du défunt. Mais vient ensuite une date : le 7 des Ides de décembre de la 373e année de Maurétanie. C’est-à-dire le 7 décembre 412.

« La seconde est plus suggestive encore : c’est la tombe d’une jeune femme. Victoria, qui est dite clarissima femina, de l’ordre sénatorial, la plus haute aristocratie romaine, qui est morte à 18 ans, 8 mois et 15 jours, le 29 décembre 425.

« Décembre 425 : trois ans et demi plus tard, au mois de mai 429, les Vandales débarquaient sur la terre africaine, et leur passage était signalé, dans la deuxième quinzaine d’août de la même année, à Altava (Lamoricière - auj. Ouled Mimoun), par l’épitaphe, heureusement découverte par M. Courtot, d’un inconnu qui a péri sous la glaive des Barbares1. Victoria ne les aura pas vu à Ténès, mais sa famille dut assister à leur passage à travers les provinces romaines et il n’est pas interdit de penser que c’est pour le mettre à l’abri du pillage qu’a été enfoui à Ténès le trésor retrouvé en mars 1936 et entré au Musée d’Alger. »

« Louis Leschi émet ensuite l’hypothèse que le médaillon représente Galla PLacidia, « la fille de Théodose le Grand, la sœur d’Honorius qui, faite prisonnière à Rome en 410, par Alaric, dut épouser à Narbonne Athaulf, le beau-frère d’Alaric, et devenir reine des Wisigoths puis, veuve et rentrée à Ravenne, épousa le ministre Constantius - Galla Placidia qui été pendant vingt-cinq ans le véritable souverain d’Occident et dont le souvenir demeure à Ravenne dans son Mausolée qui est peut-être ce que l’art chrétien du Ve siècle nous a laissé de plus exquis.

« On peut rêver longtemps ajoutait-il, sur cet véritable ensemble, et s’imaginer qu’il est peut-être venu ici, porté par quelqu’un de ces innombrables réfugiés qui, en 410, après la prise de Rome par Alaric, vinrent chercher un asile dans les provinces d’Afrique. Il y a de fortes présomptions en tout cas pour qu’il soit contemporain des tombes retrouvées et qu’il date de la fin du IVe siècle et du début du Ve. »

Mais c’est M. Carcopino qu’il revenait de révéler au monde savant l’importance du trésor. En 1942, au retour d’une mission d’inspection archéologique en Algérie, il le décrivit à ses confrères de l’Académie des Inscriptions2, insistant justement sur le raffinement du goût qui avait réuni une telle collection, et la qualité d’un art « qui n’a rien de provincial », définissant en outre l’intérêt qu’il présentait pour l’histoire de ces temps pathétiques. Il tirait parti, lui aussi, des épitaphes chrétiennes de Ténès, et faisait sienne l’hypothèse que le propriétaire fût une clarissime comme Victoria qui, fuyant les Goths d’Alaric, s’était réfugiée en Afrique où devaient la rejoindre, dix-neuf ans plus tard, les Vandales de Genséric. Ces images d’exode n’évoquaient, en 1942, que de trop récents et obsédants souvenirs ! Et, de la fuite outre-mer de l’aristocratie romaine en 410. M. Carcopino décelait un nouvel exemple dans une épitaphe récemment déchiffrée par lui à Djemila, celle de Pomponia Rusticula, clarissima femina elle aussi morte à 15 ans en 452 Dans l’exil où sa mère l’avait mise au monde3.

A cette brève notice, à cette conférence, à cette communication que M. Carcopino a reprise en 1948 Dans un article 4, se borne la bibliographie de notre sujet. Du moins ces premières indications si succinctes fussent-elles, le plaçaient dans un éclairage aussi juste qu’émouvant. On verra dans la suite que notre étude leur doit beaucoup, et que, des conclusions provisoires qu’elles proposaient, nous avons retenu une grande partie.

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